Les blancs
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Bon, je pense que beaucoup de lecteurs de IS ne sont pas des accros du bulletin de vote ; dans les conditions actuellement imposées par la "démocratie" libérale, il faut dire qu'il y a de multiples bonnes raisons de NE PAS aller voter.
Néammoins, on peut avoir des potes(ses) qui ne sont pas des moutons bêlants sociaux démocrates mais qui vous assurent froidement que "devant le danger fasciste", "la montée de Le Pen" le choix est vite fait, ils iront voter, RPR s'il le faut, pour ne pas laisser élire un député FN.
Et voilà, la boucle est bouclée : le FN est une merde sans nom (d'accord), donc il faut tout faire pour lui couper l'herbe sous le pied (toujours d'accord), donc il faut mieux aller voter, même pour un mec qu'on ne connait pas et que de toute façon on méprise cordialement, puisque çà fera de toute façon un député FN de moins (plus du tout d'accord). Ben ouais, tu débarques mon pote, le système électoral c'est complètement pourri, on te l'avait bien dit, y touche pas c'est caca, y a que la lutte qui peut nous libérer du système !
OK ; personnellement j'ai jamais voté, sauf une fois . Et j'ai jamais eu l'impression d'avoir jamais rien gagné ou perdu par les élections.
MAIS...
- Il y a tous ces potes qui sont pas vraiment débiles et qu'on pas envie d'avoir des députés FN plein la Chambre (tu t'imagines, tu vas te pieuter, y a des fachos sur la table de nuit, derrière les rideaux, berk ! )
- les luttes, on peut pas dire qu'il y en a pas, on peut pas dire non plus qu'il y en a de rassembleuses et de radicales à tous les coins de rues ces temps ci (on était nombreux dans les rues en décembre 95, on a été quelques uns à rêver de grêve générale, mais faut pas rêver, le gros de la troupe, s'il a vraiment un malaise profond et un écoeurement à exprimer, ne sait que le transformer en revendications corporatistes).
BON ALORS KESTU PROPOSES ?
Ouah l'aut le vote nul c'est nul ! Déjà que çà me fait braire d'aller voter, je vais pas me déplacer pour aller voter nul ! Le dimanche, moi je fais la grasse avec ma doudou !
A voir... je pense qu'en tout cas çà vaut le coup de lancer la discussion.
D'abord, pour ne pas me faire traiter de naïf, je précise que je reprends à mon compte le slogan qui dit que si les élections pouvaient changer quelque chose, elles seraient interdites.Mais quand on a pas de gros moyens, il faut retourner les armes de l'adversaire contre lui- même, c'est le judo politique !
Examinons quelques faits et analyses sur le système électoral :
- le débat sur la moins pire façon de se gouverner n'est certes pas clos parmi ceux qui refusent radicalement le système que l'on nous impose ; mais même les plus libertaires des libertaires doivent bien accepter une délégation minimum de pouvoir à des délégués, et des prises de décisions communes sanctionnées par quelque sorte de vote ; le vote en tant que tel n'est donc pas notre ennemi en substance (à moins de tomber dans le fétichisme inverse de celui de la capitalo- démocratie), c'est seulement sa manipulation par le Pouvoir qui est condamnable ; et si nous le retournons contre ce même pouvoir, nous ne perdrons pas forcément notre belle âme rebelle...
- - malgré tout le dégoût légitime que l'on peut éprouver pour la comédie électorale bourgeoise, que ferions nous si le droit de vote venait à être supprimé ou restreint ? Nous hurlerions à juste titre à la suppression d'une liberté fondamentale ! L'extension du droit de vote aux travailleurs étrangers est une revendication soutenue par nombre de copains qui en pratique sont abstentionnistes. Le droit de vote est le fruit de luttes révolutionnaires sanglantes, et son extension progressive a dû également être arrachée au Pouvoir petit à petit (en France les femmes ne l'ont que depuis cinquante ans, les 18- 21 ans depuis vingt ans ! ). Or n'oublions jamais qu'UNE LIBERTÉ NE S'USE QUE SI L'ON NE S'EN SERT PAS !
- il me semble qu'il y a une contradiction dans la position des "abstentionnistes politisés"(j'entends par là ceux qui (comme votre serviteur) n'ont pas envie de cautionner le système en allant voter, mais commentent longuement les résultats électoraux, ne seraient ce que ceux du FN) : faudrait savoir, si ce n'est que poudre aux yeux, pourquoi alors s'en occuper ?
- j'ai dit plus haut qu'à mon sens la situation sociale contemporaine est fortement contradictoire : d'un côté, il y a un ras le bol et une prise de conscience de l'imbécilité et de l'inhumanité du systéme sans précédent depuis 25 ans ; de l'autre, aucune perspective de le concrétiser de manière massive et radicale ; au contraire, les seuls à en profiter de manière exponentielle sont LES NÉO-NAZIS, qui, eux, s'ils ne pensent pas plus que nous du bien du fétichisme "démocrate" pour le système électoral (sinon pour les mêmes raisons), N'HÉSITENT PAS A S'EN SERVIR POUR LEURS FINS.
QUELLES DIFFERENCES ENTRE LE VOTE NUL ET LE VOTE BLANC
Un vote nul est un vote non acceptable au niveau du bulletin de vote selon les critères définis dans le code électoral, c'est à dire en gros un bulletin qui n'est pas un de ceux fournis dans le bureau de vote, ou un bulletin qui a été modifié. Quelques exemples réels de bulletins nuls :
- la photo du candidat découpé dans un magazine
- un bulletin officiel mais portant une mention rajoutée par l'électeur ("c'est le meilleur", "vive la lutte prolétarienne", "chirac est un enculé", etc...)
- de maniére générale, tout bulletin portant une trace quelconque qui le différencie des autres bulletins.
La raison de ces dispositions est d'éviter les votes "achetés" : un candidat ayant promis une rémunération à des électeurs et assistant au dépouillement pourrait vérifier que l'on a bien voté pour lui en reconnaissant des bulletins "codés".
Remarquons que cela pénalise du même coup des électeurs de bonne foi mais émotifs et trouvant que le vote "normal" ne leur permet pas d'exprimer complètement leur opinion ! (cas du deuxième exemple). On pénalise aussi les électeurs analphabètes (le premier exemple), probablement de bonne foi et exprimant clairement leur choix ; le troisième exemple présente un aspect vicieux : c'est qu'il est fréquemment utilisé par les scrutateurs (c'est ainsi que l'on appelle les citoyens qui procédent au dépouillement) pour invalider des bulletins du candidat adversaire à celui qu'ils soutiennent : il suffit de dissimuler, par exemple, un coton imbibé d'huile dans son oreille, de s'imbiber le doigt discrètement et de tacher des bulletins indésirables et d'annoncer "bulletin nul" (véridique...).
OU SONT LES VIERGES ?
Un vote blanc est un bulletin vierge "en signe d'abstention" ; concrètement, soit une feuille blanche, soit une enveloppe vide sans bulletins. Remarque : il n'y a jamais de pile de bulletins vierges à votre disposition dans les bureaux de votes...
Maintenant examinons la prise en compte de ces votes nuls et blancs. Première remarque qui a son importance : le code électoral différencie les deux votes, ce qui est logique : le vote nul peut recouvrir un tricherie, dans le doute on ne tient pas compte de l'opinion exprimée ; par contre le vote nul, lui, ne peut être suspecté de tricherie (au pire de distraction ! ) et exprime clairement une intention : celle de ne pas choisir entre les différents candidats en lice. Sur le procès verbal du dépouillement apparaissent bien deux lignes : votes blancs, tant - votes nuls, tant.
C'est juste après qu'apparaissent les arnaques :
- quand on annonce les résultats, c'est à peine si on mentionne ces deux types de votes, et surtout on les amalgame en un seul résultat : "blancs et nuls, tant". ON A DONC TRANSFORMÉ DES VOTES EXPRIMANT UNE OPINION ("je n'ai pas envie de choisir entre les candidats qui me sont proposés") EN VOTES ILLÉGITIMES (tricheurs potentiels mélangés avec abstentionnistes)
- et dans la foulée, on présente les "résultats" du vote SYSTÉMATIQUEMENT EN "SUFFRAGES EXPRIMÉS" (= hors votes nuls ET blancs ET hors abstention) ; Tof a bien pointé l'arnaque des soit disant pourcentages obtenus par le FN à Toulouse dans le supplément à IS d'avril : les 14, 4 % représentent en fait 4 % des inscrits, soit 606 personnes ayant votés facho sur 15 177 ! Dans ce cas là l'arnaque consiste à "oublier" qu'il y a eu plus de 70 % d'abstentions, ce qui fait des abstentionnistes l'opinion majoritaire d'une manière écrasante
Mais cette pratique est systématique, c'est pourquoi malgré son énormité elle passe inaperçue : à chaque élection, les médias vont répétant par exemple que Chirac a été élu avec 53 % des voix (sous entendu des français). Il s'agit en fait du pourcentage des suffrages "exprimés" (sous entendu : ceux qui ont voté nul et ceux qui se sont abstenus n'ont pas exprimé d'opinion) ; en tenant compte d'un taux d'abstention de 20 % aux présidentielles, chirac a en fait été élu par 42 % des français INSCRITS SUR LES LISTES ; en tenant compte que 20 % de ceux qui pourraient être inscrits mais ne l'on pas fait, il été élu par 33 % DE CEUX QUI ONT LE DROIT DE VOTE ; en tenant compte que la loi électorale actuelle ne donne pas le droit de vote aux travailleurs étrangers résidant en France et y payant des impôts (10 % d'électeurs potentiels ?) par quel pourcentage réel de ceux qui ont la possibilité d'avoir une opinion sur la politique française a t il été réellement élu ?
Vous allez me dire : pourquoi tu nous prends la tête sur le vote blanc puisque tu viens de montrer que le système électoral est truqué ?
Justement parce qu'il est facilement démontrable qu'il y a arnaque, mais surtout parce que l'arnaque n'est pas au début du système, mais a posteriori. Ce qui signifie qu'on peut piéger le système à son propre piège : si les élections sont respectables, qu'il respecte toutes les opinions exprimées lors des élections y compris celle qui dit : "Je m'intéresse à la politique, mais toutes les options présentées me paraissent nulles. ET C'EST ACTUELLEMENT L'OPINION MAJORITAIRE EN FRANCE. Il suffit de discuter avec les gens pour la voir apparaitre. Ceux qui votent pour un candidat ne votent pas POUR ce candidat, ils votent CONTRE LES AUTRES. Même les instituts de sondages sont obligés de le reconnaître (du bout des lèvres). Et alors ? Alors, pour une fois, les individus opposés au système dominant de manière radicale et ceux qui se posent des questions (ce ne sont pas tous des imbéciles ) ont un point commun politique concret : le désir et la possibilité de montrer à la social- libéralo démocratie que nous ne sommes ni dupes ni résignés.
Ceci en faisant campagne pour voter massivement blanc (ou nul : imaginons une gande distributoin de bulletins "J'en ai marre de votre cirque" à l'entrée des bureaux de vote) EN MEME TEMPS qu'une campagne d'explications sur le fait qu'il existe la possibilité de faire prendre en compte les votes nuls ou blancs (puisqu'il sont au départ comptabilisés).
Pour finir, je voudrais rappeller qu'il existe en France un précédent loin d'être négligeable, et qui fut même fortement jouissif ! Ceux qui parmi mes lecteurs ont passé la trentaine (eh oui, le temps passe) n'ont pas pu passer à côté, les autres peuvent demander à leur grand frère, je ne raconte pas de conneries :
Coluche ne fut pas cet espèce de saint laïque en lequel tous les politicards et mediacrates ont réussi à le transformer après sa mort, gentil-rigolo-qu'a-fondé-les- restos-du-coeur ; Coluche, c'était 1, 69 m et 96 kg de bile et de lave en fusion ; il n'hésitait pas à rouler des joints dans le bureau du ministre de l'agriculture, il a passé sa vie à dénoncer les combines, à vomir le monde du show- bizz et de la politique, il détestait l'ordre moral, l'ordre social (3 000 balles d'amende pour outrage à agent en 79, alors qu'il était aussi célèbre et reconnu que, mettons, Depardieu et Bedos à la fois aujourd'hui, mais moins con et prétentieux) et surtout, il leur a foutu une pétoche et une honte telle qu'ils se sont empressés de le transformer en caniche empaillé et de le récupérer dès qu'il a été refroidi (trop dangereux mais trop célèbre pour le faire disparaître).
L'ENFOIRE !
- Octobre 80 : alors qu'il est au sommet de sa gloire (76 : film avec De Funès, 1 million d'entrées- émission hebdomadaire sur Europe 1 qui fait beaucoup rire et beaucoup parler, puis quotidienne sur RMC - collabore aussi en 80 à Hara- Kiri), il convoque la presse et annonce sa candidature aux présidentielles de 81 (où Mitterand prendra le pouvoir) "votre programme ? " "foutre le bordel ! "
- novembre 80 : soutiens politiques inattendus
- décembre : la presse titre sur le "candidat nul" : 11, 7 % d'intentions de votes
- janvier 81 : les partis politiques paniquent ! Les médias lui ferment leurs portes
- mars : 16% des intentions de votes ; suspense : a-t-il ou non les 500 signatures d'élus nécessaires à sa candidature ? Il fait une grève de la faim de 16 jours pour être invité au "Club de la Presse", la grande émission de débat politique de l'époque (Le Pen n'aura pas à en faire autant pour rentrer dans l'arène des médias "respectables" ! ). Hospitalisé d'urgence, puis se retire sur une île et annonce son retrait ; on n'en saura jamais les raisons exactes.
Je ne résiste pas au plaisir de vous citer le texte de l'affiche électorale du candidat Coluche :
Patrice