L'interminable agonie du Zaïre est présentée
à l'opinion internationale comme une incapacité
manifeste et chronique du continent noir
à pouvoir maîtriser son destin..
.

Prétexte classique pour justifier un colonialisme plus que centenaire, aujourd'hui remanié BCBG (bon capitalisme, bonne gouvernance !). Le soutien du génocide au Rwanda et le "maintien de l'ordre" en Centrafrique par les derniers gouvernements français, démontrent effectivement la course de vitesse que se livrent actuellement les impérialistes francophones face aux impérialistes anglophones pour se garantir l'exploitation exclusive de l'Afrique Centrale.
Les conditions de vie des 45 millions d'habitants du Zaïre sont catastrophiques. Rien qu'en évoquant la situation médicale, le journal "Le Monde" évalua en 1995 à 1000 (sur 4 millions d'habitants) le nombre de décès par jour dans la capitale de Kinshasa, où existent encore quelques hôpitaux. Bien que ce chiffre soit en dessous de la réalité, projeté sur l'ensemble du pays, cela donne 315 000 morts par mois et donc, 3 730 000 décès par an dont 60 % sont dus à la faillite totale du système sanitaire zaïrois devant la recrudescence des maladies infectieuses, endémiques, épidémiques ou pandémiques, le plus souvent provoquées par la misère. Quelle est la cause d'un tel chaos ? Le grand problème du Zaïre, pays le plus vaste d'Afrique Noire, c'est qu'il dispose paradoxalement d'immenses richesses naturelles convoitées.

"L'INDÉPENDANCE NE SE DONNE PAS
SUR UN PLATEAU D'ARGENT :
ELLE S'ARRACHE"

Dès 1876, la Belgique instaure son occupation coloniale. Ce n'est que le 30 juin 1960 que l'ancien Congo Belge parvient à l'indépendance suite à une révolte organisée par Patrice Lumumba, élu chef du gouvernement du nouveau Congo-Kinshasa. Une semaine après, la Belgique et ses alliés britanniques et français ripostent en provoquant la cessession de la province du Katanga, dirigée par Moïse Tshombé. Face à la contre attaque des Lumumbistes, le chef d'état major adjoint de l'armée congolaise, un certain colonel Joseph Désiré Mobutu, réalise son premier coup d'État le 14 septembre 1960. En janvier 1961, Lumumba est assassiné Ses partisans sont amenés à reconnaître un nouveau gouvernement, qui, tout en mettant fin au pouvoir de Mobutu en Août 1961, continua la répression des Lumumbistes. Ceux-ci se réorganisent en Conseil National de Libération en Août 1963, et développent un soulèvement populaire généralisé, finalement anéanti par les troupes belges, américaines, sud-africaines, congolaises et des mercenaires français (dont Bob Denard) à partir de fin 1964. Alors que Tshombé est sur le point de "gagner" les élections présidentielles, le général Mobutu réussit son second coup d'État le 25 novembre 1965.

LE RÉGIME DE MOBUTU :
LA KLEPTOCRATIE

Dès 1966, Mobutu instaure sa dictature en s'auto-proclamant "maréchal-président". Avec habileté, il mène une campagne d'intoxication internationale qui le présente comme "l'unificateur", "le pacificateur", "le père de la nation" du Congo-Kinshasa afin de se confectionner une étoffe d'homme d'État garant de la "stabilité" de toute l'Afrique Centrale, et surtout du trafic des multinationales. C'est oublier bien vite que Mobutu, produit militaire du colonialisme belge, fut partisan de la cessession katangaise, spécialiste de la répression du peuple comme des opposants (Lumumba) et ses nombreux concurrents (Tshombé, etc.). Son "parti-État" (le Mouvement Populaire de la Révolution, fondé en 1967) ne regroupe que des brigades d'acclamation et d'animation folklorique chargées de relayer sa politique du "nationalisme positif et de l'authenticité", dont le principal enseignement est : "heureux le peuple qui chante et qui danse" ! Cet abrutissement des masses s'accompagne de l'état d'urgence permanent et du terrorisme d'État, déployés à travers diverses bandes armées qui se surveillent tout en contrôlant le peuple : Division Spéciale Présidentielle, Forces d'Action Spéciale, Forces d'Intervention Spéciale, Service d'Action et des Renseignements Militaires, Service National d'Investigation et de Protection, dont l'instruction est assurée par les armées occidentales. En 1971, afin de consolider son pouvoir, Mobutu lance la "zaïranisation" du pays en débaptisant le Congo-Kinshasa en Zaïre, en centralisant les territoires par la réduction du nombre de provinces, et surtout en développant le "système des quotas" dans la répartition des bourses d'études, dans l'attribution des postes administratifs, dans la construction des infrastructures publiques Ce qui se traduit progressivement par le démantèlement des services publics, car Mobutu préfère abandonner des structures socio-économiques dans les provinces bien équipées plutôt que d'en construire dans celles déficitaires ! Ces quotas permettent également de favoriser l'accès aux postes clés à des personnes issues de son clan (groupe gbuku de l'ethnie gbandi de la région de l'Équateur). Devant le faible nombre de ses "familiers", Mobutu recrute des tribalistes fascistes d'origine négro-africaine (Rwandais, Camerounais, Guinéens, Haïtiens), en leur octroyant la nationalité zaïroise, pour qu'ils occupent tous les postes financiers dans le but de semer la corruption et la division entre les communautés locales susceptibles de former des mouvements sociaux.
Mobutu a très bien compris la stratégie de Kissinger (ancien diplomate américain) qui affirmait en 1978 : "pour maintenir notre société de consommation, nous avons besoin de fascisme extérieur". Et si le "vieux" règne depuis plus de 31 ans, c'est parce qu'il est l'un des principaux contrebandiers en matières premières des grandes firmes internationales et un financeur important des partis politiques occidentaux au pouvoir. Ce pillage systématique alourdi la dette extérieure du Zaïre jusqu'à la hauteur de 9,5 milliards de dollars en 1992, alors que la fortune personnelle de Mobutu est estimée à 4 milliards de dollars en 1982 Enfin, pour confirmer son rôle de stabilisateur, Mobutu se veut être le champion africain de la lutte anti-subversive, en intervenant militairement sur l'ensemble du continent noir : Burundi (en 1966 et en 1972), Tchad (de 1968 à1986), Centrafique (en 1969), Congo-Brazzaville (en 1970 et depuis 1992), Angola (depuis 1974), Rwanda (de 1990 à1994), Afrique du Sud (depuis 1994),

LA FRANCE, PRINCIPALE ACTIONNAIRE
DU RÉGIME DE MOBUTU

La France a souvent eu des relations complexes avec Mobutu. Ce dernier a toujours su manuvrer avec subtilité dans la compétitivité que se livre les différentes puissances occidentales, tout en privilégiant ses contacts avec les américains. Mais, en 1978, Giscard fait mater une rébellion populaire (déclenchée par le Front de Libération Nationale Congolais) par ses parachutistes à Kolwesi (province du Shaba, ex Katanga).
En 1990, sentant le vent tourner de la Baule (d'où Mitterand sommait alors sa clique de tyrans africains d'être plus présentables en faisant semblant de démocratiser la sphère francophone), Mobutu annonce naturellement qu'il est favorable à la démocratisation du Zaïre. Ce qui n'empêcha pas Mobutu de liquider la contestation étudiante de Lubumbashi un mois après, ni l'armée française de réprimer une insurrection populaire à Kinshasa en septembre 1991. Devant les progrès de la Conférence Nationale Souveraine dans son enquête sur les "biens mal acquis" des mobutistes, Mobutu ordonne la clôture de la CNS fin 1992 et remet en service son Parlement d'opérette. De toute manière, dès septembre 1991, il avait chargé ses agents d'exacerber les guerres tribales au Shaba, Kivu et Kasaï pour conforter sa position d'homme providentiel en ne cessant de répéter : "sans moi, le chaos total" ! Mais ce n'est qu'à partir du génocide rwandais d'avril 1994 que la collusion des intérêts des dirigeants français et de Mobutu se réalisent. Trois mois après, les génocideurs rwandais sont autorisés à se réfugier (avec d'innombrables civils-otages) au zaïre sous la protection de l'armée française (opération Turquoise). Alimentés, équipés et payés par l'aide humanitaire occidentale, les génocideurs rwandais sont utilisés par Mobutu pour soutenir son armée en août 1996 contre la rébellion menée par l'Alliance des Forces Démocratiques de Libération de Laurent Kabila. La déroute des milices de Mobutu est en fait une aubaine pour les services spéciaux français, qui présentent le conflit comme une invasion du Zaïre par le Rwanda ! Ce qui permet de justifier une triple action : réinstaller au pouvoir au Rwanda les génocideurs rwandais, consolider la maîtrise du Zaïre par Mobutu et tenir définitivement l'Afrique Centrale sous l'influence française
L'ancien chef d'État-major général des armées françaises, Jeannou Lacaze, devient ainsi le conseiller privé de Mobutu. Et la place de faiseur de "rois francafricains", laissée vacante par feu Jacques Foccart, devrait être prise par de grands marchands d'armes en Afrique : Charles Pasqua et son fils ! D'ailleurs, Chirac s'empressa d'en appeler à l'intervention d'une force multinationale contre "l'agression" de Kabila tout en organisant l'envoi de centaines de mercenaires au Zaïre.
Mobutu, malade, lâché par les belges et les américains, ne contrôlant plus qu'un quart du pays, semble se résigner en ce début mai 1997 à prendre sa retraite. Mais la question reste entière, que cela soit au Zaïre ou en Afrique : Kabila et l'AFDL seront-ils en mesure de prendre en compte l'intense soif d'émancipation du peuple noir ? On peut en douter !

Sources :

- Le Monde Diplomatique, mai 1997.

- "Mémorandum de la coordination des Organisations Démocratiques Zaïroises de la Diaspora" (CODEZAD), décembre 1996.
contacts : C/O ATZ France BP 175
94005 Créteil cedex.
tel : 01 48 58 28 84 ; Fax : 01 48 58 28 26

Organisations membres de la CODEZAD : Alternative Démocratique à l'Horizon, Association des Travailleurs Zaïrois de l'Etranger, Collectif du 4 janvier, Etudiants Congolais Progressistes, Front de Libération Nationale Congolais, Front Patriotique pour le Renouveau, Mouvement d'Action pour la Résurrection du Congo-Kinshasa, Mouvement National Congolais Lumumba, Mouvement des ouvriers et des Paysans, Union des Forces Progressistes du Congo-Kinshasa (liste non clause).

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