La bourse
ou le RMI

Alors que le démantèlement
du régime social se développe, chacun peut constater
que l'appauvrissement
de la population s'aggrave
de plus en plus, tandis que
le montant des allocations
diminue peu à peu...
Deux récentes études
permettent de faire le bilan
de l'intervention sociale
en France: loin de généraliser
l'assistanat, elle développe
plutôt la domesticité
des précaires
et indirectement,
des salariés.

Les chiffres
de la pauvreté

Les minima sociaux garantissent un revenu minimum provisoire en compensation d'incapacités totales ou partielles au travail. Ils sont actuellement au nombre de :

  • - Allocation Adultes Handicapés (AAH) : 2114,64 F/mois
  • - Allocation d'Insertion (AI) : 1311 F/mois
  • - Allocation de Parent Isolé (API) : 4217 F/mois avec 1 enfant
  • - Allocation de Solidarité Spécifique (ASS) : 2220,30 F/mois
  • - Allocation de Veuvage (AV ) : 3073 F/mois maximum
  • - Minimum Invalidité (MI) : 1428,08 F/mois minimum
  • - Minimum Vieillesse (MV) : 3433,08 F/mois (6158,83 F/couple)
  • - Revenu Minimum d'Insertion (RMI) : 2402,99 F/mois avec forfait logement.

MINIMA SOCIAUX, MAXIMA PATRONAUX

Une enquête du CERC Association, de juin dernier portant sur 25 ans de minima sociaux, démontre la régression que subissent ces dispositifs destinés aux plus précaires, entre 1970 et 1995. Durant cette période, l'effectif des allocataires a augmenté de 43 % et celui des personnes couvertes a doublé. Six millions de personnes percevaient des minima sociaux (soit 10,7 % de la population totale) fin 1995. Sachant que quatre dispositifs concentrent 90 % des allocataires: le MV (30 %), le RMI (28 %), l'AAH (18 %) et l'ASS (14 %).

Coté finances, ces dépenses sociales s'élevaient à 80 milliards de francs en 1995 contre 14 milliards en 1970 (en francs 1995). Mais l'accroissement de ces dépenses n'a pas été régulier. Important de 1970 à 1982 (13 % par an en francs constants) en raison de la revalorisation des minima vieillesse, invalidité et handicap. Puis, quasiment stable de 1983 à 1988 avec la stagnation du nombre d'allocataires. Nouvelle hausse de 1989 à 1993 avec la création du RMI touchant une population jusqu'alors ignorée. Enfin, en 1994 et 1995, reprise de l'escalade par l'afflux de chômeurs aux indemnisations désormais moins élevées et plus courtes...

Par contre, le prétendu "déficit" des comptes sociaux engendré par l'augmentation du nombre de précaires est faux. Puisque les minima sociaux représentent 1 % du PIB et 4 % des dépenses totales de protection sociale. En fait, l'effort financier consenti depuis 1983 n'a pas suivi la progression des allocataires. Un phénomène qui s'explique par le faible niveau des revalorisations (exemple 1997: + 4 % pour le SMIC, + 2,2 % pour le chômage, rien pour les minima sociaux...). Et surtout par le transfert des chômeurs en fin de droit sur des nouveaux dispositifs (AI, ASS, RMI) aux ressources inférieures à celles procurées par les dispositifs plus anciens. Alors que le revenu de ces minima se situe déjà de 60 à 80 % en dessous du revenu moyen de l'ensemble des ménages. Par comparaison, le seuil de pauvreté retenu par la Commission Européenne est fixé à 50 % du revenu moyen des ménages...

MOINS DE PRESTATIONS, PLUS DE SOUMISSION

Les revenus sociaux assument la couverture sociale des risques quotidiens (chômage, maladie, accident du travail...) garantie par la Sécu. Ceux-ci sont également en diminution, comme le constate le rapport de novembre 1996 du service des Statistiques, des Etudes et des Systèmes d'Information (SESI) du Ministère du Travail et des Affaires Sociales.

En ce qui concerne le chômage, la part des chômeurs indemnisés parmi l'ensemble des demandeurs d'emploi est passée de 62,6 % en 1993 à 54,5 % en 1995. De plus, la part des chômeurs percevant une indemnité mensuelle inférieure à 3000 F a augmenté de 28 à 38 % entre 1990 et 1995.

Pour la santé, les besoins ont globalement progressé de 3 % par an depuis 1981. Mais la protection maladie a régressé de 84,4 % en 1980 à 81,5 % en 1995 en raison de la baisse des remboursements.

Même les retraites sont touchées, malgré les revalorisations régulières. Par des disparités entre les générations: les anciennes percevant moins de ressources que les nouvelles. Et par des disparités entre les sexes: les hommes disposant d'une retraite presque deux fois supérieure à celle des femmes! (respectivement 7950 F et 4350 F par mois).

Ainsi, en 1995, plus de trois millions de personnes sont de plus en plus dépendantes des revenus sociaux. A hauteur de 50 % du budget des ménages d'employés et d'ouvriers. Pour plus de 75 % du budget des ménages de chômeurs... Les aides provisoires deviennent alors des revenus principaux!

MATRAQUAGE POLITIQUE ET AGRESSIONS ECONOMIQUES

La logique de l'actuelle concentration financière est, dans un premier temps, de licencier tous les employés déclarés "non rentables". Ce qui accroît considérablement les bénéfices des patrons tout en livrant l'ensemble des précaires à la charge de la collectivité. D'où l'affaiblissement de la protection sociale publique, dans un deuxième temps, accentué par la baisse des cotisations patronales. Justification ? Aider les entreprises à embaucher! Ce vol ne peut que favoriser la prospérité des assurances privées qui raflent progressivement le "marché" de la sécurité sociale.

Désormais isolés, sous-indemnisés et sur-contrôlés, les "bénéficiaires" des services sociaux sont alors sommés de "s'intégrer" dans des stages et autres jobs mal payés. Ce qui permet de dévaluer les emplois ordinaires par l'effet de concurrence ainsi obtenu... Les plus récalcitrants étant assignés à survivre dans une "normalité minimale" maintenue par les aides sociales. Ce détournement de la contrepartie sociale préserve les apparences d'un "Etat démocratique moderne", bientôt limité à son plus simple appareillage répressif. L'asservissement utilisera alors le plus grand nombre...

La question politique des inégalités économiques réduite à une question sociale, vise donc à atténuer et à gérer "l'exclusion" pour faire disparaître sa dimension conflictuelle. A nous de la ranimer !

Téka

Sources : Actualités sociales hebdomadaires
du 6/12/96 et du 4/7/97.

Contacts :
CERC Association, 10 rue Jacques Mawas,
75015 Paris. Tél : 01.45.31.85.70.


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