Interview de Xabi Larralde, porte-parole de Batasuna a propos de l'illégalisation de Batasuna

Ekaitza : Quelles sont aujourd¹hui les mesures prises à l¹encontre de Batasuna ?

Xabi Larralde, porte-parole de Batsuna : Il y a deux voies en marche pour Batasuna. Il y a d¹abord la voie pénale, c¹est celle qui est utilisée par Garzon et qui est similaire à la suspension de Batasuna et de Segi. Garzon s¹attaque à la trajectoire de la gauche abertzale puisque Herri Batasuna, Euskal Herritarrok, et Batasuna sont suspendus. C¹est l¹activité publique de la formation politique Batasuna qui est suspendue pendant trois ans mis pas le travail des élus. Les groupes parlementaires Batasuna continueront à fonctionner. Il y a ensuite la question de la nouvelle loi. Ce qu¹il y a de très important dans cette loi, c¹est qu¹elle dit que si un mouvement est frappé d¹illégalisation et que l¹on crée un nouveau mouvement qui est jugé dans la continuité du précédent, il fera également l¹objet d¹une illégalisation. C¹est là que l¹on voit que c¹est une décision politique plus qu¹une mesure à l¹encontre d¹une structure donnée. Comment peut s¹appliquer cette loi ? Elle peut toucher des responsables politiques mais aussi le simple militant de base qui peut être incarcéré pour collage d¹affiche portant le nom de Batasuna. L¹application en sera difficile. La preuve en est que Segi, après son interdiction, a pu organiser les Gazte egunak d¹Elorrio auxquels ont participé plus de vingt mille jeunes. En termes absolus, cette loi est inapplicable en raison de l¹étendue de la base sociale de la gauche abertzale au sud. Quels vont être les mécanismes de l¹interdiction? Chaque voie suit sa logique, à priori, indépendamment de l¹autre. Au titre de la loi des partis, c¹est le Tribunal suprême espagnol qui va être amené à se prononcer sur l¹application ou non de la loi à l¹encontre de Batasuna. La discussion de la semaine dernière au Parlement espagnol était destinée à solliciter le Tribunal suprême afin qu¹il enclenche des procédures visant à l¹application de la loi sur les partis politiques à l¹encontre de Batasuna. On va aller vers une procédure judiciaire avec un procès tentant, par on ne sait quelles preuves de montrer que Batasuna doit tomber sous le coup de cette loi. Suivant la loi, c¹est le gouvernement qui peut effectuer cette demande. Le PP a décidé de porter le débat au parlement afin de donner un label démocratique à une décision qui ne l¹est pas.

Comment voyez-vous votre présence en Iparralde ?

A partir du mois de mai nous avons rendu publique, à Itsasu, la proposition Euskal Herria Eraikitzen. On est dans une nouvelle phase politique. C¹est visible parce qu¹on a un nouveau gouvernement en place. On sait qu¹au niveau institutionnel, les choses vont bouger. On le voit au niveau municipal avec la mise en place des structures intercommunales. On s¹attend, puisque c¹est l¹annonce qui a été faite cet été par Raffarin, à une procédure nouvelle de décentralisation. On est devant un gouvernement qui n¹a pas, et c¹est important, des engagements pris, à l¹inverse du précédent par rapport à un département ou quoi que ce soit vis-à-vis d¹Iparralde. Mais il a une volonté politique, au moins affichée, de créer des niveaux institutionnels qui n¹existent pas. C¹est ce qu¹ils ont l¹air de dire en parlant d¹expérimentation. Il y a une avance très significative par rapport à l¹existant, c¹est que les modalités de réflexion de ceux qui gouvernent à Paris passent par d¹autres niveaux institutionnels. Notre tâche en tant que politiques, c¹est d¹essayer de devancer les évolutions possibles. On sait que dans les prochaines années, il y aura un nouveau montage institutionnel au niveau européen qui va toucher les Etats. Il est nécessaire, pour les abertzale, pour une reconnaissance politique d¹Euskal Herria, de travailler pour obtenir des compétences sur ces territoires pour nous permettre de construire notre avenir.

L¹interdiction de Batasuna va quand même poser des problèmes au niveau d¹Iparralde ?

Nous avons choisi de fonder une structure nationale pour le meilleur et pour le pire. Il est évident que dans une structure nationale, les conséquences qui touchent une partie du mouvement ont des incidences sur le reste. Il y aura des décalages à faire. Ce qui est important pour nous, c¹est d¹être cohérent avec notre engagement politique. Au niveau national, notre objectif se situe autour de la construction nationale et donc, notre responsabilité est dans le développement de cet axe, même dans les mois qui viennent conformément à la proposition faite à Itsasu. Nous estimons que nous avons un potentiel militant très fort et ce que l¹on veut, c¹est stabiliser l¹assise de Batasuna ici. Un travail plus large doit être mis en place au niveau de la gauche abertzale, par rapport à ce qui doit être le c¦ur de notre lutte au niveau de la reconnaissance politique et institutionnelle des trois provinces d¹ici. D¹autres batailles sont à mener avec la gauche abertzale, sur l¹euskara ou l¹aménagement du territoire. Notre politique est de travailler la construction nationale par la base donc d¹être ancrés dans les réalités locales malgré les incidences de la configuration politique au niveau national. Finalement c¹est la même chose dans les provinces du Sud. En Navarre, il va y avoir un contexte politique particulier avec les élections au Parlement de Navarre. Il y a une démarche dans Euskal Herria Eraikitzen, spécifique à la Navarre. Notre travail sera de développer cet axe. Quel va être maintenant le fonctionnement de Batasuna ? En Iparralde, nous allons fonctionner de la même manière. Pour le reste, il va y avoir des difficultés locales. Par exemple, les locaux ne pourront plus être loués au nom de Batasuna. Mais on trouvera des biais pour continuer notre activité. La gauche abertzale a, malheureusement, l¹expérience de ce genre de fonctionnement dans l¹illégalité et notamment sous le franquisme. Ce qu¹il est important de souligner, c¹est que Batasuna ne va pas rentrer dans la clandestinité et que l¹activité publique va se maintenir. En ce qui concerne les infrastructures, il faudra trouver des outils parallèles qui se fixeront sur les contours de la légalité et qui permettront de continuer à fonctionner. Il reste une interrogation dans les Vascongadas, puisque l¹on a vu, la semaine dernière, que Garzon a fait appel à la ertzaintza pour faire appliquer sa décision.

Le gouvernement basque sera-t-il le garant d¹une procédure et de mesures contre lesquelles politiquement il s¹insurge et qui viennent de Madrid alors même qu¹il entre dans une phase, à priori, au niveau du discours, très axée sur la souveraineté et sur l¹affrontement par rapport à Madrid ?

Comment, dans le même temps, peut-on donner un ultimatum à Madrid pour le transfert de compétences restantes dans le statut de Gernika, affirmer qu¹il faut mettre en place une réflexion sur un nouvel ordre politique et juridique sur l¹ensemble du Pays Basque et être le garant de la légalité espagnole dans des termes que la société basque, dans sa majorité, récuse. Si l¹on veut mettre en place, en Euskal Herria, un processus souverainiste, par la voie de la société civile et par la voie politique, on sera obligé de passer par des logiques qui relèvent, peu ou prou, de la désobéissance civile. Qu¹en est-il de l¹opinion publique ? Je pense que dans la société basque, en dehors des partis espagnolistes, UPN, PP, PSOE et UA, il y a unanimité pour condamner cette procédure y compris de la part des forces progressistes comme IU. En Iparralde, les Verts se sont prononcés contre, le PS, par la voix de Maitia, semble critique, les communistes aussi et des membres de la LCR ont participé à la manifestation de samedi à Donibane Lohizune. La droite locale, par contre, est silencieuse. Quelle peut-être la réaction française ou européenne puisque des demandes ont été faites par Garzon pour fermer les locaux de Baiona et Bruxelles ? Tout ce qui concerne la permanence de Koldo à Baiona et les locaux de Bruxelles est lié au statut de parlementaire européen. Mais tout est possible, notamment parce que les pouvoirs réactionnaires et l¹extrême droite, qui est en voie ascendante en Europe, surfent sur la vague du 11 septembre 2001. Malgré tout la suspension du mandat européen de Koldo est quelque chose qu¹il ne sera pas évident de mettre en ¦uvre. Le gouvernement français est sur une attitude de solidarité et de compréhension vis-à-vis de son homologue espagnol. Les socialistes étaient aussi sur ce registre. Dans le cadre de l¹Etat français, ce qu¹il y a de plus surprenant, c¹est le double langage, que nous avions déjà vu avec les socialistes, entre la Corse et le Pays Basque. Cet été, Raffarin et Sarkozy ont été en Corse pour rencontrer les élus, toutes tendances confondues, prôner le dialogue sans exclusive et parler d¹un nouveau statut au titre de la décentralisation. En Pays Basque on ne va pas discuter avec des représentants politiques ou de la société civile. On va directement à Madrid discuter avec le ministère de l¹Intérieur en abordant le problème uniquement du point de vue policier. La revendication de base de Batasuna reste la reconnaissance politique du peuple basque et par rapport aux trois provinces Labourd, Soule et Basse-Navarre, c¹est la reconnaissance de la nécessité de doter ces trois provinces d¹une véritable structure institutionnelle qui ait des compétences stratégiques indispensables au maintien de notre identité à la résolution des problèmes socio-économiques et d¹aménagement du territoire. Le gouvernement Raffarin, au titre de la décentralisation, dit qu¹il est prêt à faire des expériences, à mettre en place des lieux institutionnels qui n¹existent pas encore. Quel que soit le langage, il existe ici un problème d¹ordre national, et un problème lié au fait qu¹il n¹y ait pas de reconnaissance institutionnelle de ces trois provinces et pas d¹outils, en terme de compétences qui nous permette de gérer ce territoire convenablement. Depuis Pays Basque 2010, on est sur une tendance qui se prolonge et notamment dans deux grands domaines : le domaine culturel identitaire et le domaine d¹aménagement du territoire avec le déséquilibre Côte/Intérieur donc la capacité d¹envisager le futur par rapport, au niveau de l¹Union européenne, dans les relations, par exemple, entre le Labourd et le Gipuzkoa ou entre la Soule et la Basse-Navarre avec la Navarre. Batasuna a participé aux journées de Corte et on peut dire que nous sommes sur des stratégies assez semblables par rapport au mouvement corse. Il a réussi a structurer une unité, notamment autour de la plate-forme électorale Corsica Nazione. C¹est la voie que nous avions prôné, l¹année dernière, au sein d¹Abertzaleen Batasuna et c¹est la voie que continuons de prôner ici, c¹est à dire monter des structures, vis-à-vis des échéances électorales qui représentent la gauche abertzale. C¹est la proposition que nous avons faite aux dernières échéances. Au niveau de la stratégie politique, les Corses sont sur une voie qui est dans la continuité des précédentes discussions de Matignon avec Jospin pour faire évoluer le statut de la Corse vis-à-vis de l¹Etat français. C¹est ce que nous disons en parlant de structure institutionnelle pour les trois provinces du Nord au titre de l¹existence politique d¹Euskal Herria. Les Corses ont annoncé publiquement la mise en place d¹une démarche pour mettre en place une assemblée, dans l¹idée de ce que nous appelons la construction nationale, c¹est à dire, un processus institutionnel basé sur le volontariat et activé par les forces qui reconnaissent le Pays Basque en tant que tel. Cette voie a, pour nous, un potentiel très important. Quand on voit le petit travail réalisé par Udalbiltza par rapport à Xiberoa 2010, on constate que beaucoup de gens sont ici politiquement français par défaut, parce que c¹est le seul type de citoyenneté politique auquel ils ont eu accès naturellement. En Corse, ils veulent mettre en place une structure institutionnelle qui soit représentative du projet national corse, en essayant d¹ouvrir une brèche dans les règles du jeu fixées par l¹Etat français. C¹est exactement ce que nous voulons faire ici : créer des structures institutionnelles qui ne s¹intègrent pas directement dans les règles du jeu des Etats français et espagnol et qui valident le potentiel politique et économique que représente la base sociale abertzale sur l¹ensemble d¹Euskal Herri. Ces deux voies vont continuer à aller de l¹avant. Dans Batasuna, c¹est la proposition de paix que l¹on a faite en janvier et c¹est la proposition Euskal Herria Eraikitzen globale que l¹on a faite en mai et qui dit que la gauche abertzale est disposée à un consensus et un travail en commun avec les forces vives de la société civile. Le saut qualitatif que nous prônons c¹est de passer de Herringintza, le travail au quotidien, chacun dans son coin, à un travail de construction nationale qui est un travail au niveau local mais qui s¹inscrit dans une perspective politique globale de structuration d¹un Pays Basque basque qui décide de son devenir. L¹idée de concrétiser nous-mêmes, par nos propres forces, en travaillant nos projets dans la société civile est très vieille en Iparralde. C¹est ce qui s¹est passé au niveau des radios ou des ikastola. Toutes les structures mise en place par la sueur des abertzale qui aujourd¹hui, fonctionnent et qui sont des piliers, même au-delà de la société abertzale, sont référantes dans la société civile en Iparralde. Ils nous faut donc continuer dans cette voie, mais en lui donnant une conscience politique et une globalité à l¹échelle du zazpiak bat. Sachant que sur le registre de la paix et de la confrontation avec les deux Etats, tous les observateurs le disent, cela ne va pas aller en s¹améliorant. Parce qu¹il est impossible de laisser 15 % de la société civile en dehors du domaine politique légal. Il faut savoir que la procédure engagée contre Xaki, Ardi Beltza, va sans doute conduire, dans les prochains mois, à un procès à l¹italienne mais contre la gauche abertzale au lieu de la mafia. Ces procédures arrivent à leur terme. Elles ont commencé il y a cinq ans. Ce n¹est pas un mouvement politique mais tout un secteur de la société civile que l¹on va essayer de mettre au ban de la légalité. La gauche abertzale peut-elle se renforcer d¹un tel affrontement ? Le pari d¹Aznar c¹est qu¹enlever toute expression publique de la gauche abertzale dans l¹Etat espagnol va aboutir à son anéantissement. C¹est impossible parce que la gauche abertzale est assez ancrée et qu¹elle bénéficie d¹un base sociale trop importante. Elle continuera son travail politique, à l¹image de Segi ou d¹Askatasuna. Ce qui est le plus grave, dans les nouvelles mesures c¹est de supprimer la représentation institutionnelle de la gauche abertzale. On voit que, même avec une gauche abertzale faible depuis les dernières élections, Batasuna joue un rôle d¹arbitre au Parlement de Gasteiz, que ce soit pour le vote du budget ou au niveau du débat sur la souveraineté, c¹est l¹abstention de Batasuna qui a fait pencher la balance pour que ce texte soit adopté. La conséquence la plus grave sera là, c¹est à dire vouloir gommer des institutions la gauche abertzale et mettre en place une soi-disant normalité démocratique dans laquelle les décisions politiques à tous les niveaux se prennent dans les institutions alors qu¹un secteur de la population n¹y est pas représenté. Il faut envisager le fait que la gauche abertzale ne soit pas représentée va changer tous les équilibres notamment dans les Diputacion. Le PNV va se retrouver à chercher des majorités qui sont un peu précaires. N¹oublions pas que la majorité qu¹ils tiennent à Gasteiz est très précaire. Il y a un enjeu par rapport aux prochaines municipales, c¹est, et nous allons travailler à ça, que la gauche abertzale ait une représentation dans les municipalités du Sud. Sachant qu¹aujourd¹hui, Batasuna détient 63 mairies ce qui est considérable parmi lesquelles de grosses mairies comme Arrasate, Elorrio ou Laudio. Il est évident que le jeu du PNV, même si il est contre la mesure d¹interdiction, va être de vouloir profiter des difficultés que va poser la législature espagnole pour la légalité de la candidature abertzale pour récupérer les voix de Batasuna. On rentre dans une phase politique très délicate où les paroles ne vont plus suffire, il va falloir des actes. Batasuna préférerait un PNV cohérent avec son projet et nous sommes disposés à faire une alliance entre abertzale pour réactiver un schéma politique dans une perspective souverainiste sur l¹ensemble d¹Euskal Herria. Malheureusement, jusqu¹au mois de juillet dernier, la position du PNV a été de faire une alliance éventuelle avec le PSOE plutôt qu¹avec Batasuna. Et le pire c¹est que le PNV va être tenté de récupérer des voix indépendantistes au sein de Batasuna. Mais ça lui sera difficile de répéter le coup du 13 mai. Dans ces circonstances, est-ce que l¹affrontement au niveau de la société basque ne va pas s¹aggraver ? C¹est le côté dramatique de la situation. Nous arrivons à une situation où il va y avoir des affrontements très durs. Suite à ce qui s¹est passé dimanche, une personne qui n¹était pas dans la manif a perdu un ¦il. a cause d¹une balle de gomme de la ertzaintza. La suppression de la représentation de la gauche abertzale va créer une situation explosive, à l¹instar d¹une Cocotte-Minute. Il y a un corps social que l¹on veut laisser sans moyen d¹expression. Il faut retourner en arrière pour comprendre qu¹à la transition qui a suivi la mort de Franco, trois objectifs ont été déterminés. Le premier : créer un espace de normalité démocratique, qui tourne la page de quarante ans de dictature et rende l¹Espagne politiquement correcte, notamment vis-à-vis de l¹Europe. Ensuite un objectif économique avec l¹entrée, en 1986, dans la CEE. Le troisième objectif était de réguler les revendications identitaires nationales dans l¹Etat espagnol. C¹est là qu¹ont été mises en place les autonomies avec l¹exception de la Communauté autonome qui peut prélever l¹impôt. En 25 ans on fait un pari sur la normalité démocratique dans l¹Etat espagnol et on voit aujourd¹hui pratiquement qu¹il y a un retour de mesures qui font fortement penser à la période du franquisme. Et on constate que sur le troisième objectif, l¹Etat espagnol a buté sur Euskal Herria. Il a utilisé nombre de cartouches avec le plan ZEN ou la guerre sale et ça a été un échec. Le gouvernement Aznar n¹a, aujourd¹hui, aucune expectative par rapport à ce problème. Il en est à sa deuxième législature et depuis 1996, il bassine les Espagnols en leur disant qu¹il va en finir avec le terrorisme et c¹est encore un échec. Il crée une expectative avec une mesure nouvelle dont il sait lui-même qu¹elle va aboutir à l¹échec puisqu¹il commence à dire que l¹on n¹arrivera pas, par ce moyen, à mettre fin à la violence et que les Espagnols doivent faire plus de sacrifices. Aznar est dans l¹impasse et dans une situation d¹involution politique et il repart en arrière. C¹est peut-être ce dont a peur le PNV, que l¹on remette en cause le statut de Gernika. Le chantage du PP au PNV consiste à lui dire : vous voulez jouer aux souverainistes, et dépasser le cadre, faites attention parce que nous on va vous montrer que, même ça, ce n¹est pas aussi stable que vous le croyez. Ils en sont capables puisqu¹ils sont en train de remettre en cause un cadre qu¹ils avaient eux-mêmes créé pour gérer la période post-franquiste. Et l¹absence de Batasuna dans les institutions va créer des problèmes. On oublie trop souvent l¹importance des Diputacion, base économique dans les Vascongadas. Ce sont elles qui lèvent l¹impôt. Les abertzale ont déjà perdu la Diputacion d¹Alava, imaginons ce que serait, pour le monde abertzale, de perdre une Diputacion en Bizkaia. Si il y a un changement dans les équilibres, le PP peut très bien revenir en arrière.

Il y a donc une volonté de centralisme de la part du gouvernement espagnol, qui va à l¹encontre de la construction européenne ?

Tout à fait. Les débats ne sont pas transparents. Il y a la Convention qui travaille au niveau européen. Un rapport a été rendu public en mai ou juin. Le schéma va être, sur certaines compétences clés, réaffirmer le poids de l¹Europe, et sur des compétences qui seront jugées, au niveau de l¹Union, un peu secondaires, mettre en place un processus de dévolution, c¹est à dire de retour de certaines compétences à l¹échelle de l¹Etat. Ce retour va se faire, dans des pays qui ont une pratique fédérative, vers un accroissement des pouvoirs des régions ou des autonomies, et ce sera pour d¹autres, les Etats français et espagnol, la volonté de réaffirmer la centralité de l¹Etat par rapport à leurs problèmes identitaires locaux. Les structures post-franquistes ont été créées pour lâcher du lest. Aznar essaye par contre de tendre la situation en Euskal Herria et adopte une attitude anti-abertzale. Il refuse de lâcher du lest et va se retrouver devant une situation explosive.

Interview réalisé par la revue basque Ekaitza