TÉMOIGNAGE :

&laqno;il est possible d'empêcher les expulsions»

Youssouf TOUNKARA, président de l'Association de Soutien Entre Expulsés (ASEE), située à Bamako, nous a transmis ce jour les témoignages qui suivent, concernant une tentative d'expulsion vers Bamako/Konakry, sur le vol Air France AF760 du 24 octobre 1998, qui a été empêchée grâce à l'intervention des passagers.

Témoignage de Youssouf TOUNKARA

Aujourd'hui, au terminal 2 A de l'aéroport Roissy Charles De Gaulle, lors de l'embarquement du vol AF 760 (heure de départ 11 heures, porte d'embarquement 46) de la compagnie Air France desservant la ligne Paris / Bamako / Conakry, se sont déroulés les faits suivants. Les passagers de ce vol ont trouvé à leur embarquement tout au fond de l'avion, un homme (noir), entouré de 4 policiers. Nous nous sommes rendus compte, les uns après les autres de sa présence, car il était attaché de la cheville jusqu'au dessus de la cuisse. Il avait également les mains menottées par derrière. Un policier se tenait derrière lui pour l'empêcher de bouger. Je suis allé voir le commandant de bord, Monsieur Murin, qui m'a dit ce qui suit : "Je suis tout à fait d'accord avec les reconduites étant donné que ces gens se maintiennent sur le territoire français de façon illégale. Souvent il convient de les attacher pour ne pas indisposer les passagers". Je lui ai répondu : "Vous avez le droit de refuser un passager ligoté, car si vous acceptez qu'il effectue le voyage ainsi, de Paris jusqu'à Bamako, vous vous rendez coupable de complicité pour mauvais traitement infligé à autrui". Il s'est fâché et m'a dit : " J'ai tous les droits dans cet avion, y compris celui de vous faire descendre si vous continuez à nous embêter avec ce problème. Cet homme est un trafiquant de drogue" et l'hôtesse qui se trouvait à côté de lui a rajouté : "c'est aussi un violeur de gamine".

Les policiers en présence de la personne expulsée, qui ne parlait aucun dialecte du Mali et qui ne parlait qu'anglais, m'avaient auparavant dit qu'il s'agissait d'un sans-papiers. J'ai demandé s'il avait un laissez passer du consulat du Mali pour le débarquer à Bamako ; pas de réponse. Pendant mes altercations avec le commandant Murin et la police, une solidarité formidable s'est créée autour de la personne expulsée. Des citoyens français, hollandais, se sont mobilisés pour dénoncer ce qui les choquait à savoir cet être vivant ligoté.

Nous avons exigé son débarquement sinon nous ne partions pas dans l'avion. C'est ainsi que 10 mn après, le commandant de bord, Monsieur Murin, s'est vu dans l'obligation d'appeler la police et de débarquer le monsieur. Je vous signale qu'une femme française qui était solidaire avec le sans-papiers attaché a reçu des menaces d'un policier en uniforme (noir environ 1m85 pour 90 kg).

Il nous a aussi menacé de nous faire débarquer en même temps que la personne expulsée. Ceux qui font la honte de la France menacent ceux qui font sa fierté, lui permettant d'honorer et de rappeler que c'est la mère patrie des droits de l'homme. Air France serait-elle la Compagnie de la Honte? Ou c'est Monsieur Murin qui est indigne d'être commandant de bord à Air France.

Youssouf TOUNKARA Président de l'association de soutien entre Expulsés (ASEE)

Tel/fax (Bamako, Mali): +223 23 14 44 Portable France : 06 85 95 90 47 Email: asee@lalune.org

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