Du boxon au Clandé

En avril 1945, le Mayflower ouvre à Toulouse, au 9, rue Quéven. C'est un établissement luxueux et discret, où nombre de notables viennent consommer de la chair fraîche et des alcools forts. Jusqu'en 1978, la maison close ne désemplit pas. Puis, à la mort de sa propriétaire, elle devient vraiment close, et reste inoccupée pendant 18 ans, tandis qu'une bataille juridique oppose la Ligue contre le Cancer, légataire des murs, et l'ancien majordome du boxon, légataire du fonds de commerce. Le temps que ce petit monde s'explique, un collectif d'individus, l'association Le Clandé, investit le lieu en 1996, avec en tête un paquet de projets. Au bout de quelques mois d'occupation illégale, le Clandé obtient une convention précaire.
Après quatre ans et plein de travaux, le Clandé, c'est 400 mètres carrés répartis sur trois niveaux, sans compter les entresols, la cave et la terrasse. Cette occupation permet de concrétiser les besoins et les désirs les plus variés : débats, projections, répétitions musicales, réunions, échanges de savoirs, restaurant auberge espagnole, développement photo, concerts, spectacles, tango, tchatche, fêtes, engueulades, subversion, et le logement de plusieurs personnes...

Contre pouvoir

Une vingtaine d'associations, des milliers d'individus, s'y sont retrouvés en quatre ans d'existence, autour d'un lieu et d'un projet communs : c'est-à-dire un carrefour où puissent voir le jour des initiatives, des pratiques, des discours, des échanges qui n'ont pas droit de cité dans la société dominante. Le Clandé se veut un contre-pouvoir et une alternative pratique et durable, sans les impératifs de rentabilité, sans soumission aux pouvoirs publics qui subventionnent, aux entreprises qui exploitent, aux mécènes qui achètent.
La démarche du Clandé est celle d'une réappropriation collective des espaces laissés vides par les opérations d'urbanisme mégalomaniaque ou la spéculation immobilière. Partir des rebuts de l'économie libérale pour mieux en combattre le coeur.
Toutes les luttes d'une actualité urgente, d'ici ou d'ailleurs, de Golfech au Chiapas, se croisent dans ce lieu, où s'élabore et se construit une contre-culture : contre les OGM, le nucléaire, la répression policière, le fascisme déclaré ou rampant, les enfermements carcéraux ou psychiatriques, le SIDA, les expulsions, l'homophobie, le sexisme, le salariat... L'immeuble de la rue Quéven constitue un espace d'expérimentation, de créativité et de contestation sociale. Il est l'endroit où s'articulent des exigences de fonctionnement interne et une critique en rupture des rapports sociaux dominants.
Car la rupture n'est pas qu'un objet de discours et d'analyse. Tout autant, elle consiste à attaquer toutes les formes de domination (celles du sexe, du savoir, de l'argent, de la couleur de peau, de la fonction sociale...) par une démocratie directe sans représentants. Concrètement, par la mise en commun des idées, des outils, des responsabilités, des savoir-faire, des informations, de l'espace et du temps, sans spécialisation ni marchandisation.

La Ligue a tort

Les marchands, c'est la Ligue contre le Cancer. Devenue pleinement propriétaire du Mayflower, elle compte vendre l'immeuble aux enchères le 20 juin 2000 (première mise à prix : un million de francs). Du coup, elle exige que le Clandé vide les lieux d'ici le 10 juin. Le Clandé, qui n'a pas envie de disparaître, s'est décidé à faire une proposition : la cession de l'immeuble au franc symbolique par l'opulente association Ligue contre le Cancer, à l'association le Clandé, moins opulente.
Que notre offre soit entendue ou non, il est hors de question de quitter les lieux, ni de renoncer au projet collectif qui anime le Clandé. Nous resterons, car c'est d'exister qu'il s'agit.

Les Souteneurs et Souteneuses du Clandé

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