INDUSTRIES
TOULOUSAINES, DU PHOSGENE AUX OGM 21/09/02
La plus grande catastrophe industrielle du pays depuis 1945 n¹a finalement aboutie qu¹à une simple délocalisation d¹usine. Mais l¹année écoulée en compassion à en tout cas permis aux autorités publiques d¹expérimenter à Toulouse une parfaite gestion de crise majeure. Tout peut donc recommencer, ici ou ailleurs...
Des usines de mort entre " réouverture partielle " et " fermeture partielle "...
Ce qui était acquis pour les toulousains fut confirmé le 11 avril 2002 : TotalFinaElf fermait définitivement ce qu¹il restait de son usine AZF, parce que " le redémarrage coûterait trop cher "... Reste à sa charge la dépollution de l¹usine qui prendra au moins une dizaine d¹années du fait que le terrain était occupé depuis 1914 par la Poudrerie Nationale de Toulouse, actuelle SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs). Si le gouvernement Jospin souhaitait la " réouverture partielle " de celle-ci, le nouveau gouvernement Raffarin à l¹audace de décider le 1er juillet de sa " fermeture partielle ", en prenant soin d¹affirmer " l¹arrêt définitif de la production de phosgène ". Gaz extrèmement dangereux, le phosgène représentait 70% de l¹activité de la SNPE (20 000 tonnes par an, soit 15% de la production française), nécessaire officiellement à l¹élaboration des combustibles de la fusée Ariane. Mais comme pour le nucléaire, le programme spacial sert surtout au développement de missiles militaires. Ces carburants " stratégiques " sont effectivement gérés par la Délégation Générale pour l¹Armement via le Groupement pour la Grosse Propulsion à Poudre, associant les entreprises publiques SNPE et Snecma (constructeur de moteurs d¹avion militaire). Cette décision permet surtout de sauver en douceur un important site militaro-industriel, tout en se fournissant ailleurs du phosgène avant de le reproduire sur place quand les esprits seront calmés... Pour se restructurer, la SNPE faisait donc disparaître sa filiale locale Tolochimie et supprimait 402 emplois à Toulouse le 18 juillet, sans que le ministère de la défense ou les syndicats ne proposent le moindre plan de reconversion du personnel en 10 mois de suspension d¹activité. Quant à la CGT, elle va jusqu¹à prétendre que " la décision d¹interdiction du phosgène est inadmissible "... Mais qu¹elle se rassure, ses syndiqués pourront produire encore à Toulouse plein d¹explosifs !
Toulouse, cas exceptionnel ? Non, simple répétition générale !
Un an après, rien n¹a vraiment changé. A commencer par l¹origine imprécise de la catastrophe, dont l¹instruction judiciaire concluait pourtant en mai 2002 à la " cause accidentelle " de l¹explosion d¹AZF par mélange de dérivés chlorés dans ses stocks de nitrates à la suite d¹une erreure de manipulation. Mi juin, 14 employés, dont le directeur d¹AZF, étaient mis en examen pour " homicides et blessures involontaires ". Et fin juin, le tribunal correctionnel de Toulouse condamnait pour diffamation les journeaux Valeurs Actuelles et le Figaro pour avoir propagé la rumeur d¹un " attentat islamique " sur l¹usine. La faute incombe alors exclusivement à TotalFinaElf, qui devra payer tous les frais. Ce qui exclu l¹examen des responsabilités de l¹Etat, pourtant largement impliqué dans l¹installation de quartiers populaires autour d¹usines chimiques, le maintien du danger public permanent en produisant et stockant à la SNPE des gaz mortels et des explosifs militaires dans une agglomération de 600 000 habitants, l¹imprépararation des secours et la lenteur des indemnisations aux victimes... Même impunité pour les élus locaux, qui n¹ont jamais étudié les risques industriels depuis le classement en 1996 du complexe chimique en site à haut risque. Idem pour les partis politiques, dont aucun n¹a fait la moindre allusion aux dangers potentiels lors des municipales de mars 2001. Tous ces décideurs ont-ils désormais organisé une meilleure maîtrise des risques ? Absolument pas ! Il appartient toujours aux industriels, et à eux seuls, d¹élaborer et de réviser les études de dangers de leur entreprise. La définition par l¹administration des périmètres de sécurité et des règles d¹urbanisation alentour reste artificielle, avec des modes de calcul différents d¹un site à l¹autre. Et aucune prévention particulière n¹est prise pour les transports quotidiens sur route ou sur rail des matières dangereuses. Proposés en février dernier, le rapport parlementaire et le projet de loi sur les risques industriels majeurs restent donc dans les tiroirs. Pour les victimes, la situation n¹a pas plus évoluée : dégats minimisés par les experts, nombreux litiges d¹assurance, réparations baclées, dépistage des futures pathologies non systématisés... Et c¹est finalement aux toulousains de payer les frais, car depuis janvier 2002, les assurances locales augmentent leurs tarifs (+ 5% pour l¹automobile et jusqu¹à + 10% pour le logement) et multiplient les exclusions de garantie des risques liés... " aux technologies avancées et à l¹environnement ". Sans oublier la hausse moyenne des loyers de 8,2% depuis octobre 2001 (+ 22% d¹après certains locataires).
La vie d¹abord
Peu importe l¹aide aux sinistrés ou la prise en compte des besoins écologiques, puisque les premières décisions du gouvernement Raffarin furent de développer d¹autres industries : dès le 5 juin, l¹aménagement d¹une route Bordeaux-Toulouse pour acheminer les tronçons du futur Airbus géant A380 était déclaré d¹utilité publique. Le 4 juillet suivant, sur la quarantaine de sites déjà existants, 8 essais supplémentaires de culture expérimentale d¹OGM en plein champ étaient autorisés, dont 3 parcelles à Blagnac (commune voisine de Toulouse). Voulant exclure les précaires de la commune par son " Grand Projet de Ville " pour y intégrer des cadres solvables, le maire de Toulouse Philippe Douste-Blazy entend alors transformer le site chimique en une " cité des biotechnologies ", à la place d¹un grand parc public proposé par les habitants. L¹avenir toulousain se situerait donc entre gaz et explosifs ou virus et OGM... Il apparaît évident que l¹absence de risques ne peut se réaliser tant que les autorités veulent imposer des dangers permanents aux contribuables. L¹alibi de créer des emplois ne tient pas non plus puisque les industries modernes nécessitent de moins en moins de main-d¹oeuvre. Ce qui d¹ailleurs ne constitue absolument pas une contrepartie qui justifierait de mettre en jeu la vie des ouvriers et des habitants. Surtout quand les décideurs désinforment systématiquement la population sur les conséquences industrielles. La faible mobilisation locale a permis de cantonner des débats politiques en un débat technique, où la consommation industrielle ne sera jamais remise en cause au profit de productions socialement utiles. Alors que les circonstances permettaient de prendre un véritable pouvoir sur les choix de société et sur l¹aménagement de notre environnement, la tragédie toulousaine est présentée comme un cas exceptionnel qui ne mérite qu¹une simple commémoration. Aux 10 millions de riverains des usines dangereuses de ce pays d¹exiger : à risques collectifs, décisions et contrôles collectifs.
Téka Sources : - IntraMuros du 18/09/2002 ; - La Dépêche du Midi du 11,15/04, 06/06, 10/07 et du 21/09/2002 ; - Le Monde du 18/05, 29/06, 1,13, 20/07 et 21/09/2002 ; - L¹explosion d¹AZF un an après, Centre de Recherche sur l¹Alternative Sociale, septembre 2002 (CRAS, BP 492, 31100 Toulouse cedex 06).
Un an après, les toulousains commémorent, les industriels investissent...
La ville de Toulouse a dressé un bilan de l¹année suivant la catastrophe du 21 septembre 2001 : - 32 morts, 2242 blessés dont 782 hospitalisés le jour même. Mais le nombre des blessés s¹élève désormais à 9000 personnes, 5000 autres ont eu recours à un traitement à base de psychotropes et quelques 40 000 toulousains seront amenés à subir régulièrement des tests auditifs. - 35 000 logements (dont la moitié de HLM) endommagés et 100 000 sinistrés (1 toulousains sur 4). Il reste toujours a réparer 15% des équipements publics, 19% du parc HLM, 29% des logements individuels et 30% des copropriétés. Ces travaux représententent l¹équivalent de la construction d¹une ville de 10 000 habitants. Une cinquantaine de familles campe encore dans des mobile-homes. Il reste 350 dossiers en attente d¹une indemnisation des assurances. - La facture laissée par TotalFinaElf s¹élève à 2,3 milliards d¹euros (15 milliards de francs).
Avec 50 milliards de francs de bénéfices réalisés en 2001, cette multinationale peut payer les 70 000 dossiers d¹indemnisation et la prise en charge des 15 000 victimes non assurées, soit 1,5 milliard d¹euros. Mais Philippe Douste-Blazy préfère annoncer le 16/09/2002 à France Inter : " La catastrophe d¹AZF a coûté pratiquement 1 million d¹euros. Aujourd¹hui, TotalFinaElf a tout remboursé au centime près "... Il aurait bien besoin de cours de comptabilité, mais le centre de formation pour adultes n¹est pas encore reconstruit !
Reconversion vers la " chimie verte " ?
Afin de transformer le site AZF en centre industriel propre, le maire de Toulouse Philippe Douste-Blazy a annoncé la prochaine installation de l¹entreprise de biotechnologie Enzynomics. Il a même reçu des promesses sérieuses : l¹industrie pharmaceutique Sanofi-Synthélabo devrait doubler ses capacités de recherche, les laboratoires Pierre Fabre créeraient une unité de production de médicaments anticancéreux, puis TotalFinaElf avec l¹aide de nouvelles start-up ouvriraient une usine de panneaux solaires et un institut de recherche sur... la sécurité industrielle ! Le pauvre Philippe ferait-t-il encore n¹importe quoi pour encaisser au moins le montant des taxes versées par l¹ex-complexe chimique, soit 54 millions de francs par an ?
CES
ANTI-TERRORISTES QUI NOUS TERRORISENT
Photos à l'intérieur du site pétrochimique
d'AZF de Toulouse,
24
heures aprés l'explosion.
Photos inédites de François Riviére
De Toulouse
en colére un billet d'humeur, manifestation aujourd'hui Mardi 25/09 ý
18H place du capitole.
TOTAL, NOUS
NE VIENDRONS PAS CHEZ TOI PAR HASARD (chanson rebelle)