Une secrétaire d'ATTAC témoigne de l'ambiance du G8 de Gênes

La manif a démarré, le 20 vers 10/11 H 00 devant le forum social. Elle a avancé en un tronc commun jusqu¹à la piazza Rosseti, une partie du Corso Torino, puis il y a eu partage des cortèges. Déjà, dés le départ, la police était présente. Immobile mais bien là. Des cars. Beaucoup de cars. Des alignements d¹hommes. Le cortège ATTAC a viré sur la gauche pour rejoindre le Corso Aurelia Saffi. Je suis restée un peu en arrière pour observer et avoir un plan large de ceux qu¹on laissait derrière nous. Le groupe de manifestants qui continuaient Corso Torino avançaient vers une marée humaine de flics et après notre départ, les cars, beaucoup de cars, se sont mis en route pour leur fermer la marche accompagnés de rangées de carabinieri supplémentaires. Dans notre cortège, pas de flics devant, pas de flics derrière. J¹ai rejoint au pas de course, un premier S.O. que j¹avais repéré Piazza Palermo et qui semblait organiser, agencer, avoir quelques rôles dans l¹organisation. Je lui ai décrit ce que je venais de voir, et j¹ai proposé que le cortège fasse demi-tour, pour ne pas laisser un groupe réduit de manifestants entre les matraques d¹un surnombre de policiers. Il avait les cheveux longs, brun, je ne nommerais pas, mais il se reconnaîtra et il m¹a répondu qu¹il allait vérifier, tenté de comprendre ce qu¹il se passait et qu¹il revenait. À son retour, il m¹a confirmé que tout était normal. Je lui ai demandé s¹il ne se sentait pas un poil mal à l¹aise. Il a haussé les épaules, fatalisteŠJ¹ai foncé plus en avant dans le cortège en expliquant à droite à gauche ce qui se passait derrière, un nombre de plus en plus important de personne demandait à faire demi-tour. Mais le bruit, la rue foutue de façon à ce que le début du cortège et la fin ne se voie pas, ne rendait pas un mouvement facile. Alors plusieurs personnes, ont fait comme moi et ont tenté de prévenir bouche-à-oreille par bouche-à-oreille, un maximum de personnes. Pendant ce temps, j¹ai rejoint Christophe AGUITTON, responsable des relations internationales à Attac et qui a participé à l¹organisation, et je lui ai également décris ce que je venais de voir en lui demandant si ce n¹était pas mettre la manif en danger que de la tronçonner, d¹en isoler des parties, et de les laisser se faire cerner par autant de policiers. Il m¹a répondu qu¹il avait fallu 5 mois de réunions préparatoires pour obtenir ce schéma, qu¹il était tout à fait au courant de ce que je décrivais, que tous les autres groupes de manifestants l¹étaient aussi. Chacun avait annoncé la couleur quant à leurs intentions. La police avait pris ses mesures en rapport à cela. J¹ai insisté, lui demandant s¹il n¹y avait pas comme une impression de " collaboration " dans ce ciblage de la police, mais bien sûr, m¹a-t-il dit, nous avons collaboré tous ensemble, afin d¹éviter toute confusion, et je ne comprends où vous voulez en venir, Mademoiselle, et vous vous trompez dans vos insinuationsŠ. J¹ai noté sur un bout de papier, ce que j¹avais vu, entendu. On était déjà en vue de Piazza Dante et de ses barricades. Le début du cortège y était. On entendait les grilles se faire malmener et j¹apercevais des corps tentant d¹atteindre le haut des barricades. J¹ai avancé jusqu¹à atteindre le portail barricadé et bloqué d¹une sorte de tank militaire. À droite et à gauche du portail, des grillages de plusieurs mètres de hauts. De l¹autre côté de la grille, les boucliers en plexi, les cars, les 4x4, des journalistes indécents vaquant à leurs occupations supra-importantes téléphoniques et portabliques, sous notre nez, derrière les grilles, comme au zooŠ La rage est montée très vite et les consignes attac n¹ont plus eu aucun sens dans la réalité de l¹action. Malgré l¹idée que peuvent se faire le bureau suprême d¹attac sur le pacifisme de nos comportements, cette notion n¹est ni compréhensible, ni intégrable face à des barricades et toute leur symbolique, face à l¹attitude méprisable de la presse, face à l¹impuissance et au ridicule d¹un lâcher de ballons. Tout ce qui pouvait être cassé et balancé de l¹autre côté l¹a été. Les barricades et plus précisément, parce que plus fragile, le portail, ont été défoncées, secouées, découpées, avec des bouts de fer, de verre et tout ce qui pouvait trancherŠTrois femmes, une Argentine d¹une soixantaine d¹années, une Brésilienne d¹une trentaine d¹années et moi-même, ont défoncé le portail au pied pendant de longues, longues minutes (20 ou 30 minutes) sans discontinuité, jusqu¹à que quelques hommes s¹en mêlent et nous viennent en aide et qu¹enfin, il cède. Tout le monde a eu un recul face à cette ouverture vers le PalazzoDucale. Évidemment, il y avait un peu de monde entre lui et nous. Et puis l¹écho du tabassage des Tuniques Blanches, un peu plus loin, et puis le bruit que des Blacks s¹étaient fait massacrer quelques avenues plus bas, tout cela refroidissait un peu. J¹ai pensé, il suffit d¹un et tout le monde suivra et je suis rentrée. J¹ai marché droit devant dans la zone rouge. Lorsque les carabinieri me sont tombés dessus, j¹ai tourné mes yeux vers les grilles et j¹ai vu que j¹étais seule. Les S.O. et les carabinieri avaient déjà refermer la brècheŠ

Une secrétaire d¹ATTAC. Août 2001

Un autre témoignage des violences subies à genes