Nous ne nous tairons pas !

Un rédacteur de la revue Ekaitza réagit aux attaques dont ils sont l'objet

CECI EST UNE ARME DE DESTRUCTION MASSIVE

Déjà des tonnes d'encre ont coulé sur les évènements de la semaine dernière, qui se sont révélés trop souvent des discours hypocrites ou des actes d'allégeance à l'empire américain. Et face à de tels mensonges, j'avais envie de laisser tomber. Mais deux évènements, bien révélateurs du silence qu'on voudrait nous impose, me font prendre la plume. Les trois minutes de silence, décidées en haut lieu, en hommage aux victimes des attentats de la semaine dernière me laissent dans le doute ; si l'on observe trois minutes de silence pour les 5000 victimes occidentales, il faudra, si l'on est honnête et pétri de sentiments humains, faire le silence pendant 10 heures pour rendre hommage au million de victimes civiles irakiennes (cette fois essentiellement des femmes et des enfants), victimes de l'embargo terroriste occidental, et au premier chef américain. Mais je suis sûr que tous ces grands démocrates, tous ces défenseurs du Bien, avaient déjà, par le passé, observé des minutes ou des heures de silence, pour les victimes vietnamiennes, brûlées au napalm par l'armée terroriste des Etats-Unis, pour les victimes algériennes torturées par l'armée terroriste française, pour les victimes tchetchènes, écrabouillées par les bombes de l'armée terroriste russe. Et de combien d'exemples on pourrait allonger cette liste macabre, mais seuls mériteraient la compassion, le respect, les morts de nos grands pays «civilisés». Le second évènement sur lequel je voulais réagir est l'initiative de notre Préfet ! Certes il est dans son rô1e de serviteur zélé de l'Etat quand il s'attaque au journal Ekaitza. Tout Etat réactionnaire n'a de cesse dans les moments de crise de museler la presse dès que celle-ci n'est plus le fidèle relais de sa propagande. Et si une voix, même celle d'un tout petit journal comme Ekaitza, ose ne pas se mêler aux aboiements de la meute impérialiste, elle fait peur aussitôt à l'Etat et à ses représentants. C'est vrai que c'est aussi l'occasion de s'attaquer, une fois de plus, à la liberté de presse d'un journal, qui non seulement est un outil de la lutte de libération du peuple basque, mais qui encore ose donner un écho aux autres luttes révolutionnaires. Celle des militants turcs et kurdes en grève de la faim, celle des Palestiniens, celle des militant-es d'Action Directe que l'Etat français tente d'anéantir, qui encore ose dénoncer les injustices de cet état policier qui laissent libres les flics meurtriers de Didier Lafitte ou de Habib à Toulouse.

Aussi quand le préfet attaque le journal Ekaitza, je me sens solidaire de celui-ci, parce que je partage son combat anti-impérialiste et anti-colonialiste. Et en matière d'apologie du terrorisme, je suis bien plus choqué par les appels à la guerre du Bien contre le Mal (une autre djihad) qui se sont étalés a la Une d'une presse au service de la stratégie de la terreur du gouvernement américain, que par le dessin incriminé d'Ekaitza. J'invite tous les grands donneurs de leçon, qui se réclament des valeurs humanistes (quelle imposture), a relire Montaigne, qui déjà au XVIeme siècle stigmatisait l 'hypocrisie des Européens qui voyaient dans les peuples indigènes du nouveau Monde, des barbares, parce qu'entre autres, certains étaient cannibales : «Je trouve qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage dans cette nation, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage : de même que vraiment, nous n'avons, semble-t-il pas d'autre modèle de vérité et de raison à l'esprit que l'exemple et l'idée des opinions et des usages du pays où nous sommes. C'est toujours là qu'est la parfaite religion, le parfait système politique, l'usage parfait et définitif de toute chose (Š) Nous pouvons donc bien appeller ces hommes barbares, au regard des règles de la raison, mais non au regard de nous-mêmes, qui les surpassons en toute sorte de barbarie» (Essai 1.31 «Des cannibales»)n

Fantxoa Fleury

La revue Ekaitza menacée, la réaction d 'infosuds

Guerre a la guerre L'édito d'Infosuds 13/09/01