DANS LES CONTES SURREALISTES DE LA NUIT CHIAPANEQUE, la gravité cérémonieuse des insurgés venus nous accueillir ne laisse aucun doute sur leurs motivations, leurs espoirs, leur désespoir. Alors de quoi "accuse" t-on les zapatistes?

L'lntercontinentale fut l'occasion de se faire une idée du mode de fonctionnement des zapatistes. lnutile de dire que la réalité est forcément différente de ce que l'on croit savoir. L'EZLN est une organisation armée, composée également de bases d'appui civiles, la "résistance civile". Armée certes dépareillée, mal équipée, mais avec une hiérarchie, un rituel, un hymne (au demeurant fort peu guerrier)... La commandance se balade "passe-montagnée" à cheval et l'un des commandants (Tacho) porte la guitare et la mitraillette. Pour reconnaître un zapatiste, c'est facile. En général, il/elle porte un foulard rouge sur le nez et apprécie "la del mono", le tube de l'été au Chiapas. La police zapatiste (PZ), porte un brassard et une espèce de matraque artisanale. On peut penser ce que l'on veut de cette forme d'organisation, mais le fait est que ces zapatistes sont particulièrement patients, chaleureux et souriants.
AU-DELA DE LA STRUCTURE DE L'EZLN, IL Y A LA MOBILISATION VOLONTAIRE des communautés indigènes. C'est peut-être ça qui fait flipper les cyniques et les gouvernements. S'il ne s'agissait que de quelques "guignols" dans la jungle, ça passerait, mais voilà, l'EZLN mobilise massivement. Toute l'infrastructure (bois et cordages) des Aguascalientes a été construite des mois à l'avance par des centaines d'Indiens venus parfois de loin. Sur place, ils ont travaillé 24 heures sur 24, en cuisine, au transport, au tour de garde, à l'accueil... Tous ces gens se sont jetés dans la réalisation de cet événement avec un enthousiasme déconcertant, aux prix d'efforts émouvants. lls "obéissent" à l'EZLN car ils ont une confiance inébranlable dans cette aventure et sont véritablement décidés à aller jusqu'au bout.
La question qui angoisse ou qui gêne est de savoir s'il s'agit de manipulation, s'il y a des excès d'autorité et tout. On nous a dit que tous les détails de cette rencontre avaient été longuement discutés et donc que les choix d'organisation étaient ceux des villageois. Pourtant, nous n'avons pas compris, tout d'abord, pourquoi seule la commandance a participé aux tables et en plus... en silence. La rencontre du Vieux et du Nouveau monde, 500 ans plus tard, est toujours problèmatique. Il y a la langue, une prudence naturelle des Indiens lorsqu'ils voient débarquer ces extraterrestres (nous), et pas mal de méconnaissance de notre part de leur culture et de leurs repères (assez éloignés des manuels politiques ou de France lnfo). Avec la danse et le temps, les deux mondes se sont peu à peu apprivoisés. On peut se gausser de l'impossibilité de communication entre les plus pauvres des pauvres (dignité mise à part) et les militants des pays riches, mais nul n'ira plus dormir tranquille tant que cette planète restera si scandaleusement injuste.
BON, DONC C'EST UNE ARMEE ET LE PORTE PAROLE BARBU en est le chef. Mais l'investissement des communautés zapatistes dans l'aventure est réel et profond. Allez vous faire une idée avec ça... Moi, je crois que la question ne se pose même plus tellement en ces termes dans la mesure où ce mouvement ne ressemble pas à ce que nous pourrions imaginer ici. Si certains de ses aspects sont déroutants/choquants, objectivement il s'en dégage une bonne ambiance et c'est pas tous les jours que des rebelles vous invitent pour une bonne tchatche.


CHIAPAS