Il y a le Chiapas bien sûr, mais pas seulement:
ça va mal dans le Guerrero, région frontalière,
ça va mal dans le Oaxaca, ça va mal dans le nord...
Quand on commence à devoir rendre des comptes au Grand Capital (F.M.I.,
B.M, ALENA,etc.), ça va forcément mal.
L'Alena,parlons-en.
Comme tous ces accords de libre-échange qui se multiplient partout,
ils ne permettent pas pour autant la libre circulation des personnes. La
marchandise, laissons-faire, laissons-passer, mais arrêtons-nous là.
Donc, limitation accrue des émigrés mexicains aux Etats-Unis.
En se basant sur un développement inégal, cette triade commerciale
(Mexique, USA, Canada), au bout de presque trois ans d'existence, n'a en
rien mis un terme à la crise économique : le Mexique se voit
contraint d'orienter son économie vers l'extérieur, au détriment
des salaires, au détriment de l'environnement (les Etats-Unis peuvent
maintenant, en matière de pollution, faire ce qu'ils ne pouvaient
pas faire chez eux), et au détriment bien sûr de l'agriculture
traditionnelle (négligence des cultures vivrières ou privatisation
par exemple de ce qui ne l'était pas : la terre).
La terre, problème séculier, comme les paysans, les Indiens...
C'est ce pourrissement de la situation qu'exprime le Ya Basta
depuis plus de deux ans maintenant. Le monde suit tant bien que mal les
soubresauts de cet état en guerre du sud-est mexicain. Qu'on l'appelle
de "basse intensité" ou "psychologique", c'est
bien de guerre qu'il s'agit, avec ses inquiétudes, ses morts, ses
climats de tension. Et même si l'armée fédérale
fait des trêves, surtout quand des centaines d'étrangers passent
par là, comme cet été, la forêt lacandone a le
goût amer des militaires. 60 000 militaires, ce n'est pas rien. Et
les trêves ne sont pas toujours respectées : on se souvient
du 9 février 95...
Il devient alors assez incompréhensible, cet étonnement de
certaines personnes pendant la rencontre face aux fouilles répétées,
ou à la police zapatiste, pour la sécurité, la leur
autant que la nôtre. N'y a t-il pas eu assez de morts au Chiapas pour
ne pas voir la réalité en face ? Combien de 9 février
95 (offensive de l'Armée Fédérale) devrons-nous voir
pour réaliser que, bon sang, le Chiapas est en état de guerre
?
Ce fut un exploit, dans ce contexte, de réaliser la rencontre intercontinentale.Et
même si, pendant une semaine, l'armée s'est peu montrée,
on ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour les jours suivants,
une fois tous ces étrangers repartis.
Après les nombreux évènements qui ont ponctué
le mouvement (se reporter pour cela à 1' lnfosuds précédent!),
l'EZLN a donc appelé en janvier dernier le monde
entier à se retrouver du 27 juillet au 3 Août 1996 au Chiapas.
Pari tenu : au moins 3000 personnes de 43 pays différents
ont répondu à l'appel.
Depuis le début de l'insurrection, l'EZLN fait preuve d'invention
pour d'une part, faire en sorte que les Indiens soient respectés
ailleurs que dans un musée (la partie les concernant au musée
d'anthropologie de Mexico est très fournie, merci), et d'autre part
sortir de la logique du néolibéralisme, sortir d'une logique
de rentabilité. Elle se questionne, se tâtonne, elle essaie
de réinventer, avec nous, un monde différent.
Il est beaucoup question dans ce pays, et particulièrement au Chiapas,
de démocratie, de justice, de dignité. Ce sont un peu les
mots d'ordre, que l'on aime répéter, qui sont presque incantatoires.Ca
peut faire sourire chez nous, parce que, soit ça ne veut plus rien
dire, soit on avance l'idée que tout cela est bien acquis, alors,
pourquoi le remettre en question ? Il y a pourtant de quoi faire. Et tout
d'un coup, au Chiapas, tous ces concepts prennent plus de sens. Ils sont
au coeur des débats, ils sont au coeur de la lutte, et pour eux,
on invente autre chose, parce qu'on sait bien que les vieux modèles ne
peuvent plus les faire respirer.
En leur nom encore, les zapatistes sont studieux... Entre un Forum pour
la réforme de l'Etat, des négociations avec le gouvernement,
un Forum indigène ou l'organisation de la rencontre intercontinentale,
ils montrent leur désir d'élargir les débats et d'aboutir
à des solutions. Le Forum National pour la réforme
de l'Etat (début juillet) a voulu faire la critique du système dominant
et illégitime, en proposant la construction d'une nouvelle force
politique qui se démarque d'une organisation traditionnelle : la
pluralité, la tolérance et l'implication de la société
civile, la démocratie directe, l'autonomie de l'Etat et des partis
politiques, la prise de décision fédérative et horizontale
etc...
Ainsi, l'EZLN propose: ça passe ou ça casse. Jusqu'à
présent, la délégation gouvernementale qui rejoignait
les zapatistes aux tables de négociations se montrait plutôt
attentive aux revendications de l'EZLN, sans pour autant garantir quoi que
ce soit. Fin août, humiliée, méprisée, l'EZLN
a préféré rompre les négociations. Lourde décision
qui ne promet pas un bel avenir. Prétextant d'un climat de tension
général au Mexique, le gouvernement menace encore une fois
d'envoyer ses soldats.