Les PIEGES
du DEBAT
sur le nucléaire

Au niveau du nucléaire, le premier piège c'est de rentrer
dans le débat technique.
C'est ce qui fait que le nucléaire échappe à tout débat démocratique.

 

Le citoyen moyen, comme l'homme politique, ignorent la manière dont on produit l'électricité. La question est circonscrite au cercle restreint des maîtres de la technique, des gens qui ont fait Polytechnique, puis les Mines ou les Ponts, l'élite de la nation, et qui nous assurent que ça va marcher.

Le problème du nucléaire, ce n'est pas comment ça marche mais à quoi ça sert.

Dans une conférence internationale sur le nucléaire, il y avait un représentant Indien. En Inde, il y a des centrales qui produisent du plutonium destiné à fabriquer des bombes susceptibles d'être utilisées contre la Chine et le Pakistan.

Quand on connaît la malnutrition en Inde, ce représentant du pays de Nehru et de Gandhi était là pour parler des bombes atomiques et des milliards engloutis dans le nucléaire. Ce représentant disait : "il faut voir les choses autrement", et posait la question de Bertrand Russel : "Est-ce que l'homme est un être rationnel ?"

La deuxième erreur, c'est d'interpréter la conduite humaine par des éléments rationnels, de dire : si on fait ça, c'est parce que c'est moins cher ou qu'on en a besoin.

BILAN EN FRANCE

55 réacteurs, 3 réacteurs en chantier, situation unique en Europe.

La plus grande unité de retraitement du monde : La Hague. 1600 tonnes de déchets traités chaque année. La plus grande usine de traitement du plutonium (Melox à Marcoule, 200 tonnes) et peut-être bientôt une autre usine. La France est considérée dans le monde comme la Mecque du nucléaire.

Un petit problème : il n'y a pas de réglementation spécifique en France. Il y a seulement des petits bouts : sur les installations dangereuses, sur les déchets. Une grande partie de la législation sur les réacteurs atomiques relève des lois sur les machines à vapeur. On a discuté "démocratiquement" du nucléaire à trois périodes :

Dans les raisons de l'attachement de la France à son nucléaire, on cite en vrac : des raisons d'indépendance stratégique car le nucléaire constituerait aussi le contrepoids de la France vis à vis de la puissance économique de l'Allemagne. Plus profondément, la culture française, le cartésianisme, la foi dans la science, seraient responsables de cet engouement. Il faut voir comment ont été traitées les questions comme l'amiante ou le SIDA. L'Académie des Sciences ne déclenche pas l'hostilité lorsqu'elle affirme que "les faibles doses de radioactivité ne présentent pas de risque". La position française est relayée au niveau Européen dans un silence médiatique assourdissant. Un projet de directive en préparation devrait permettre aux industriels de recycler des métaux faiblement radioactifs dans les circuits de consommation3.

Le nucléaire est un catéchisme

La réponse du pékin moyen à la question : "Quelle quantité d'énergie nucléaire est produite en France ?" est inévitablement 70 à 75 %. Parce qu'on a tous vu la publicité d'EDF. Or, le nucléaire ne produit que 75% de l'électricité, pas de l'énergie. En plus, les statistiques sont biaisées : si on utilisait les coefficients de comparaison électricité/autres sources d'énergie selon les normes de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (A.I.E.A) en vigueur partout, la part de l'électricité, et donc du nucléaire, dans le total de l'énergie consommée serait inférieure.

Au niveau mondial, la production d'électricité nucléaire représente 5% de la production d'énergie. Dire que le nucléaire est une solution à l'effet de serre...

On va, soit disant être pris à la gorge par les problèmes d'électricité. Mais alors, pourquoi la France exporte-t-elle 15% de sa production ? Les déchets, eux, restent sur le sol français.

Les recherches sur les énergies renouvelables : 70 millions en 1994. Le chiffre n'a pas bougé depuis.

La publicité et la commercialisation d'EDF : 700 millions.

Superphénix : 70 milliards depuis son entrée en "fonctionnement". La Cour des Comptes estime les dépenses à 60 milliards hors frais de recherche-développement.

Il n'y a que deux pays au monde qui indiquent que le kw/h nucléaire est moins cher que les autres, dont la France, alors que l'on sait que le kw/h le moins cher est produit en cogénération (production d'électricité et de chaleur) avec les centrales à gaz.

Au tarif de la consommation des particuliers, l'électricité la moins chère en Europe est produite par le Danemark, avec 0% de nucléaire.

Le nucléaire n'est pas cher parce que les coûts sont sous estimés :

Un député a un jour posé la question à EDF : "Pouvez vous nous donner le prix du kw/h exporté pour savoir si on exporte à perte ?". Réponse de Carles, vice président d'EDF :

"C'est un secret commercial". Ce même Carles, qui a osé dire lors d'une conférence de l'AIEA, à propos des carences d'EDF vis à vis de l'information sur l'implantation des centrales: "on ne prévient pas les grenouilles quand on assèche l'étang". En fait, le mécano industriel français a été construit autour du nucléaire.

Les solutions ne sont pas techniques. Il n'y a que des solutions politiques.

Actuellement, on balance l'énergie par les fenêtres. Dans la vallée du Rhône, comme contrepartie des centrales nucléaires, on éclaire les falaises la nuit pour améliorer la beauté des sites.

Il faudrait aussi produire plus efficacement. La cogénération est une solution parfaitement maîtrisée, il faudrait aussi préparer les énergies renouvelables. Le plus compétitif dans les renouvelables, c'est l'éolien.

Consommer moins mais plus efficacement. Le chauffage électrique ou la voiture électrique sont des aberrations compte tenu des pertes énergétiques. Pour le chauffage, la plus grosse source d'énergie renouvelable est le bois.

Intervention de J.L Thierry
Greenpeace France,
le 01/02/1997 à Marseille.



Retour Sommaire 20