LA PRODUCTION DES DECHETS |
" Depuis le début du programme
nucléaire,
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Le minerai d'uranium est importé d'Australie et du Gabon , on en extrait l'uranium " pur " en Auvergne, dans le Limousin et dans l'Hérault, on fabrique le fluorure d'uranium à Malvesi (Aude), on le transforme en exafluorure et on l'enrichit en isotope 235 à Pierrelatte (Drôme), on fabrique les pastilles d'uranium enrichi à Romans (Drôme). Ce produit fini séjourne dans les réacteurs un peu partout et est évacué vers les sites de stockage.
Les déchets à haute activité (déchets B et C) restent 5 ans à côté des centrales en piscine, ces piscines commencent à être pleines depuis qu'on construit des centrales. Puis, ils sont envoyés à l'usine de la Hague où ils sont stockés dans l'attente d'un retraitement. Une fois retraités, ils regagnent les lieux de production, où certains repartent pour un cycle de combustion et d'autres attendent qu'on trouve une solution.
Les déchets à faible activité et à faible durée de vie, dits " déchets A ", finissent quant à eux dans la nouvelle décharge de Soulaines (Aube) qui est " une référence en matière de stockage en surface "9.
Le plutonium n'existe pas dans la nature. C'est le fruit de l'utilisation de l'uranium dans des centrales nucléaires " classiques " à eau pressurisée. Il sert principalement à fabriquer la bombe A et peut être utilisé dans les centrales à plutonium (en France: le surgénérateur Phénix). L'opération de séparation du plutonium est effectuée à l'usine COGEMA de la Hague; elle consiste à diviser le combustible usé en 3 parties: du produit de fission (4% du volume), du plutonium (1%) de l'uranium (95%). Le plutonium pose d'énormes problèmes de fabrication (rejets dans l'atmosphère et le milieu marin, production d'un volume de déchets des dizaines de fois supérieur au volume du combustible usé) et de stockage car il lui faut plus de 24 000 ans pour perdre la moitié de sa radioactivité. La France possède plus de 10% du stock de plutonium mondial. Dans le monde entier, le volume du plutonium double tous les 10 ans, une croissance exponentielle qui rend illusoire toute politique de maîtrise de l'armement nucléaire...
En France, plutôt que de considérer le plutonium comme le dangereux avatar de la production nucléaire et de reconnaître ainsi la dangerosité de l'ensemble de la filière, on a préféré faire croire qu'il s'agissait d'une ressource: " un gramme de plutonium=1 tonne de pétrole "10 . On s'est dit que cette masse incroyable d'énergie devait être " brûlée ", comme l'uranium, pour produire de l'électricité.
Pour mettre les actes à la hauteur du discours, on a décidé dans les années 80 de reconvertir la centrale Superphénix dans la consommation de plutonium (la sous-génération) alors que cette merveille technologique avait été initialement conçue pour en produire (la surgénération). Fort heureusement, le programme a été arrêté avant parce qu'il n'y avait aucune garantie pour que ça marche et que ça coûtait fort cher.
Avec l'abandon de la sous-génération, il a fallu trouver autre chose. On a trouvé le MOX.
Le MOX est un combustible miracle. Il est composé de 93% d'uranium et de 4 à 7% de plutonium. Il peut être brûlé dans les centrales atomiques à condition qu'elles subissent une adaptation. Actuellement, sur le territoire français, 7 installations sont capables de fonctionner au MOX, l'objectif d'EDF est de MOXer 28 réacteurs.
Un problème demeure: les déchets produits par la filière MOX comprennent des déchets de plutonium. Ils sont encore plus dangereux que les déchets " classiques " et on ne sait pas comment les retraiter11.
La filière MOX existe parce qu'on a fait le choix du plutonium, pour des raisons militaires en premier lieu, à cause de Superphénix dans un second temps. Aujourd'hui, la première raison est de moins en moins valable et la deuxième raison est caduque, mais le processus est enclenché. Le remettre en question obligerait à repenser l'ensemble des choix technologiques faits depuis les années 70 et hypothéquerait l'existence de l'usine de la Hague.
Le combustible d'uranium usé en provenance des sites militaires et civils français et étrangers12 est transporté à la Hague par la SNCF. Il est retraité en oxyde de plutonium à l'usine de la COGEMA, puis il est transporté par la route vers les usines d'enrichissement du Gard et des Bouches-du-Rhône. Sur l'autoroute de la vallée du Rhône, on peut voir des camions qui transportent 120 kilos d'oxyde de plutonium à destination des sites de Marcoule (Gard) et de Cadarache (Bouches-du-Rhône). Dans ces usines, l'oxyde de plutonium est transformé en combustible MOX. Ce MOX est ensuite transporté vers les réacteurs français et allemands13.
Une note de l'Institut pour la Protection et la Sûreté Nucléaire (IPSN) (note 180 de juillet 1996) précise les conditions de transport des matières nucléaires en France. Cette note dit que les transports sont assurés sous escorte de gendarmes mobiles. Des membres de l'association Forum Plutonium ont suivi des camions qui avaient l'air de transporter du plutonium sur l'autoroute du Sud, sans voir un gendarme. Tout ça, c'est secret défense. A partir du moment où c'est secret défense, d'une part, on ne peut pas communiquer les trajets et d'autre part, on ne peut pas vérifier si les conditions officielles sont respectées. Le seul organisme qui vérifie les conditions de sécurité des transports est l'Echelon Opérationnel des Transports qui, au même titre que l'IPSN, dépend du ministère de l'industrie. Le Forum Plutonium a demandé à cet organisme d'expliquer pourquoi il n'y avait pas d'escorte, l'EOT a répondu que les camions sont suivis par satellite GPS. Les risques d'interception des camions existent donc bel et bien, et ne parlons pas des risques d'accident de la route: l'oxyde de plutonium dégage une chaleur extérieure supérieure à 120 degrés et les conteneurs sont prévus pour résister à une chute de 9 mètres, ce qui correspond à une vitesse de 48 km/h.14
De plus en plus fort, la COGEMA vient de passer un contrat pour restituer le plutonium allemand sous forme de MOX produit en France.
Donc, les déchets nucléaires allemands qui arrivent à la Hague sont transformés en MOX français à Cadarache. Ce combustible, qui est devenu une matière première, est ensuite revendu à l'Allemagne alors que les déchets produits au cours de sa transformation restent sur le sol français.
Ce tour de passe-passe permet de contourner la législation internationale qui oblige chaque pays à gérer ses propres déchets et ... de satisfaire les écologistes allemands qui voient d'un très mauvais oeil le retour des déchets et se sont opposés avec succès à la construction d'une usine de fabrication de MOX à Hanau.