A la recherche
de la recherche...
La Ligue entretient une surestimation
de ses actions de recherche contre le cancer, qu'elle évalue à
64% de ses dépenses, en y incluant les postes budgétaires
les plus variés : la formation du personnel médical, les sommes
mises en réserve pour des actions ultérieures, les frais d'information,
de communication, de prévention et de dépistage. Mais pour
la période 1993-1995, les sommes réellement affectées
à la recherche n'ont représenté que 30,5% des dépenses.
Les "axes prioritaires de recherche" n'ont constitué que
13,3% des engagements pour la recherche. Enfin, 40% des sommes affectées
à la recherche se réduisent à de simples engagements,
car elles ne sont effectivement utilisées qu'après des retards
inexpliqués, allant jusqu'à trois ans. Et 33 des 96 comités
métropolitains sont restés à l'écart des actions
du bureau national en matière de recherche, de 1993 à 1995.
Pour quelques
dollars de plus... ou de moins.
Parallèlement, la Ligue
sous-estime le coût de la collecte de ses ressources, principalement
issues de la générosité publique, c'est-à-dire
des portefeuilles de particuliers. Son coût est établi à
12,4% des dépenses en 1995. Mais il s'élève en fait
à 23%, soit 96,7 MF, correspondant à divers frais de publicité,
de publication, de relations publiques, de sous-traitance générale
et de réalisation des campagnes de communication, à travers
des spots télévisés, des messages radiodiffusés
et des affiches. Des campagnes au propos parfois douteux, comme celle de
l'automne 1995 : "Il n'existe pas de préservatif contre le cancer.
Liguons-nous." Comme quoi, il n'y a pas qu'avec l'ARC que la Ligue
est prise dans la spirale d'une concurrence très commerciale : il
semblerait que la lutte contre le SIDA aussi marche sur ses plates-bandes...
Malgré ces campagnes, les dons ont baissé de 10% de 1993 à
1995, l'effectif des adhérents a diminué de 17% en 1995 ,
et les trois quarts des comités dépensent plus en opérations
de prospection que celles-ci ne rapportent depuis 1994.
Dès lors, la Ligue s'est lancée dans le placement spéculatif
du produit de ses appels à la charité publique : elle y a
perdu 2,37 MF sur deux fonds d'obligations françaises et une SICAV
internationale, et elle a essuyé une moins-value de 4,4 MF sur la
vente d'options d'achat à terme de dollars (warrants) en 1994. Cela
en totale infraction aux dispositions législatives régissant
les associations d'utilité publique. Par ailleurs, comme il n'y a
pas de petits profits, la Ligue échange ou loue aussi ses fichiers
de donateurs et d'adhérents pour plus de 118 000 F en 1995.
Petites "indélicatesses"
entre amis.
Plusieurs détournements
de fonds ont aussi été constatés :
- la trésorière
du comité de la Nièvre a été condamnée
à 18 mois d'emprisonnement, dont 4 mois fermes, en 1996, pour un
détournement de 209 000 F ;
- le président du comité de l'Ariège a été
condamné au civil à reverser en décembre 1997 une
réparation de 210 000 F ;
- le trésorier du comité des Pyrénées-Orientales
a été condamné en janvier 1998 à 12 mois d'emprisonnement
avec sursis pour un détournement de 243 000 F ;
- des problèmes analogues ont été rencontrés
dans les comités des Yvelines et de Haute-Marne en 1992.
Les comités départementaux
gèrent environ les deux tiers des fonds disponibles de la Ligue,
mais le bureau national ne dispose pas d'informations précises sur
les modalités de leur gestion. Pourtant, les honoraires du commissaire
aux comptes et du cabinet de gestion du bureau national, censés veiller
à une gestion rigoureuse, s'élevaient à 690 000 F pour
1995.
Les frais de personnel, quant à eux, représentent 10% du budget
(40,5 MF) en 1995. Les rémunérations annuelles brutes des
directeurs sont comprises entre 462 2000 et 621 800 F, soit entre 38 500
et 51 800 F mensuels nets environ. Celles des cadres varient entre 286 000
et 315 100 F, soit entre 23 800 et 26 200 F mensuels nets environ. Ces rémunérations,
en l'absence de toute convention collective et en constante augmentation,
sont excessives par rapport à la situation constatée dans
le secteur humanitaire.
Légataires
et vautours humanitaires.
Les legs représentent
30% des ressources de la Ligue en 1995. La prospection consiste à
rechercher des personnes âgées fortunées afin de les
pousser à faire hériter la Ligue de tout ou partie de leurs
biens. Plusieurs testaments irréguliers ont ainsi été
cassés en justice. Pourtant, la Ligue ne lésine pas sur les
moyens : 3500 notaires ont été visités par des bénévoles
des comités ou du bureau national afin de trouver de "gros clients".
La Ligue adresse donc aux notaires des calendriers, des lithographies originales
(1000 F pièce), insère des réclames dans leurs revues
professionnelles, loue pour 190 741 F un stand à leur congrès
annuel, et les approvisionne en bouteilles de vin. Au total, les frais sur
legs s'élèvent à 6,21 MF.
Et en Haute-Garonne
?
En ce qui concerne le comité
de la Haute-Garonne, les frais d'appel à la générosité
publique correspondent à 45% des dons reçus de 1993 à
1995. Pour une campagne spécifique "cadre stéréotaxique"
destinée à doter le centre régional de lutte contre
le cancer d'un système de radio-chirurgie, les frais de communication
ont absorbé 52% des sommes recueillies en 1995. Et les dépenses
d'Amélioration des Conditions de Dépistage, Diagnostic et
Traitement (ACDDT) ont englouti 84,5% des aides allouées à
la recherche locale de 1993 à 1995.
Source
: Contrôle de la Cour des Comptes sur La Ligue Nationale Contre le
Cancer, 1998.
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ET A TOULOUSE,
COMMENT VONT LES AFFAIRES ?
Saviez-vous
que si vous donnez 100 F au Comité Haute-Garonne de la Ligue Nationale
Contre le Cancer, seulement 48 F seront effectivement consacrés
à la recherche contre le cancer ?
Le reste est dépensé en salaires, frais d'études et
prestations de services (17 F), en frais de fonctionnement (16 F), et en
frais d'appel à la générosité publique (17
F)...
Il s'agit ici de s'apercevoir que le Comité Haute-Garonne, et à
travers lui toute la Ligue (comme bon nombre d'entreprises humanitaires),
profite de la gravité de sa cause pour vivre de la crédulité
des gens. Encore que les dons sont en nette diminution ces derniers temps.
L'effet ARC sans doute ?
Le cancer
: une bonne valeur boursière
Notre portefeuille
n'est qu'une ressource d'appoint pour le Comité Haute-Garonne, puisque
63% de son budget (d'un montant total de 5 209 722 F en 1999) sont constitués
par les bénéfices boursiers. Ce qui n'empêche pas ce
comité de vivre à crédit (30% de dettes), tout en
plaçant 43% de ses fonds en réserve sur l'année passée.
Simple tendance passagère de gestion ? Absolument pas. La comparaison
du budget 1999 avec celui de 1998 démontre que ses affaires tournent
mal : - 77% de produit des manifestations locales, - 49% de chiffre d'affaire,
- 45% de ressources, - 43% de bénéfices, - 30% de profits
boursiers, et - 28% d'information sur la prévention et le dépistage
du cancer.
Cette régression se confirme encore dans le budget prévu
par le Comité Haute-Garonne pour l'année 2000 : - 33% de
budget général (ramené à 3 462 000 F), - 59%
de subventions aux instituts médicaux, - 57% d'aide à la
recherche, - 50% d'action de lutte contre le cancer, et - 21% d'aide aux
malades. Mais curieusement, les frais de fonctionnement et de personnel
augmentent de 5% !
Santé
publique et pompe à fric
On peut dès
lors s'interroger sur l'utilité réelle du Comité Haute-Garonne
et de la Ligue Nationale Contre le Cancer, pourtant reconnue d'utilité
publique depuis 80 ans. Localement fort de 3 salariées et de 10
348 membres, le Comité Haute-Garonne mène des activités
extérieures de plus en plus rares, ses accueils bénévoles
de malades restent toujours inexistants, et ses actions de prévention
et de dépistage du cancer ne sont plus réalisées depuis
1997. La lutte contre le cancer ne serait-elle concrétisée
qu'à travers les techniques thérapeutiques de certains médecins,
leur notoriété et leurs honoraires ?
Il apparaît ainsi que l'État cautionne cette dérive
marchande de certaines associations paramédicales. Mais il est clair
que le désengagement du service public entraîne la privatisation
progressive de la santé publique. Alors que ce fléau ne cesse
de se propager, le Comité Haute-Garonne se préoccupe surtout
de la qualité de son image, de ses campagnes de publipostage et
de son niveau budgétaire.
Sans doute se préoccupe-t-elle aussi de la comparution imminente
de son Président, Pierre Puel, devant le Tribunal de Grande Instance
de Toulouse : Pierre Puel, par ailleurs adjoint de Dominique Baudis chargé
de la Culture, est visé par la plainte d'un membre du Comité
Haute-Garonne pour non-respect des statuts dudit comité, lors de
son élection à la présidence. Que de soucis. Affaire
à suivre...
Source
: Rapport moral, général et financier de 1999 du Comité
Haute-Garonne de la Ligue Nationale Contre le Cancer.
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