Au mois d'août 1997, La Libre Belgique a demandé à Me.
Eric Gillet
(coordonnateur de la Fédération internationale des droits
de l'homme FIDH
pour le Rwanda et le Burundi) si la Belgique était devenue un havre
de
quiétude pour les Rwandais présumés coupables d'actes
de génocide. En
réponse, Me. Gillet a déclaré : Pas exactement. Le
havre le plus sûr reste
la France.
Lors de son audition devant la mission d'information sur le Rwanda (le 24
mars dernier à l'Assemblée Nationale), le professeur André
Guichaoua a
déclaré avoir été contacté par un ancien
membre du gouvernement intérimaire
rwandais se trouvant en France. Ce gouvernement, mis en place au lendemain
de la disparition du Président Habiyarimana, a administré
le génocide des
Tutsi et le massacre des opposants Hutu. Si certains de ses membres n'ont
pas personnellement participé à l'organisation du génocide,
tous portent une
grave responsabilité politique et doivent en répondre. La
présence en France
de l'ancien ministre du gouvernement intérimaire Jean-de-Dieu Kamuhanda
a en
effet été signalée. Il circulerait sans problème
entre notre pays et la
Belgique. Sa présence sur notre sol, et le lieu où il peut
se trouver, sont
des faits connus des autorités.
D'autre présumés coupables de l'organisation ou de l'exécution
du génocide
rwandais se rendent en France sans être inquiétés. Ainsi,
la présence en
France de l'ancien préfet de Gikongoro, Laurent Bucibaruta, a été
signalée
récemment. Or ce dernier est accusé de crimes d'une extrême
gravité.
Certains présumés coupables, placés en zone d'attente
lors de leur arrivée
en France, sont ensuite admis sur le territoire français : pourquoi
? Les
officiers de l'Office de protection des réfugiés et apatrides
(OFPRA) sont
attachés à la confidentialité des dossiers dont ils
ont à connaître. L'OFPRA
ne peut saisir la justice française de sa propre initiative : pourquoi
l'OFPRA ne reçoit-t-il aucune instruction qui le conduirait à
alerter la
justice chaque fois qu'il soupçonne l'entrée en France de
présumés coupables
de crimes contre l'humanité ? Le ministère de l'Intérieur
est forcément
informé de cette entrée. Pourquoi ne saisit-t-il pas les autorités
judiciaires ? Pourquoi la Chancellerie n'a-t-elle pas encore désigné
de
magistrats chargés d'enquêter sur la présence en France
de présumés
coupables de crimes les plus graves, ni d'ouvrir une instruction à
leur
encontre ?
Ces questions se posent avec d'autant plus d'acuité à l'heure
où commence, à
l'Assemblée Nationale, l'examen de la responsabilité politique
de la France
dans le processus qui a conduit au génocide rwandais. La France peut-elle
laisser croire qu'elle protège sciemment les criminels ?
Paris, le 26 mars 1998
Association SURVIE