Traffic a fric

Infosuds N30 - Eté 2001

SOMMAIRE DU DOSSIER AFRIQUE (non complet, la suite ces prochains jours)

La solution Total Fina-Elf

L'entraide par la force

Les sévices secrets

Pas de responsables ni de coupables

Les résistances se développent

La dévaluation du franc CFA ou l'annexion commerciale Instauré en 1960

Comment calculer le taux de corruption ?

L'aide au surendettement

 

L'indépendance des pays francophones d'Afrique noire en 1960 a été relayée en France par la logique d'aide au développement et de soutien à la francophonie. Cet alibi a permis de rançonner ces pays durant quarante ans tout en accordant l'impunité aux plus hauts responsables français et à leurs dictateurs africains. Les profits étant immenses, l'enjeu peut alors justifier tout et n'importe quoi, jusqu'au génocide... Encore abrité aux frais des contribuables derrière deux assurances tous risques (financière, la zone franc et politique, les accords de défense), ce système évolue avec la "libéralisation" vers une sous-traitance généralisée de l'Afrique par des groupes privatisés : multinationales, mercenaires et réseaux d'influences.

La solution Total(Fina-Elf)

Depuis sa fusion en mars 2000, le groupe Total-Fina-Elf est devenu la première entreprise privée française et le quatrième pétrolier mondial : 50 milliards de francs de profits, 761 milliards de chiffre d'affaire (soit la moitié du budget de la France), 250 000 employés ! Ce monstre industriel est surtout actif en Asie (notamment en Birmanie) avec Total, en Afrique du Nord (particulièrement en Libye) avec Fina et en Afrique noire (Angola, Congo, Gabon, Cameroun, Tchad...) avec Elf. Les affaires judiciaires de cette dernière ont révélé une partie de l'ampleur de la corruption pour la course à l'or noir : trafic d'armes (par exemple avec les deux parties en guerre depuis 1975 en Angola), constitution de caisses noires pour impliquer certains hauts fonctionnaires (à travers la Banque française intercontinentale et ses 1,5 milliards de francs par an), faux-monnayage ("emprunt Joséphine" de 2 milliards de francs via le Tchad en 1998), contribution aux partis politiques de gouvernement (8OO millions de francs par an), utilisation de prostituées de luxe (comme pour l'ex-président du Conseil constitutionnel, Roland Dumas)... Généralisées chez tous les pétroliers, ces manipulations se sont institutionalisées en France avec la création en 1965 de la société nationale Elf-Aquitaine (privatisée en 1994), conçue comme une véritable annexe des services secrets en Afrique. Cette tendance militaro-affairiste concerne à l'occasion d'autres multinationales : Bolloré-Rivaud (transport maritime), Bouygues (bâtiment), Castel (bières), Thomson (électronique), Suez-Lyonnaise-Dumez (eaux), Dassault (aviation)... Comme l'affirmait Georges Clémenceau, "une goutte de pétrole vaut une goutte de sang".

L'entraide par la force

En 2000, l'implantation de l'armée française en Afrique est encore structurée par 8 "accords" de défense (Centrafrique, Cameroun, Comores, Côte d'Ivoire, Djibouti, Gabon, Sénégal, Togo), plus 25 accords d'assistance militaire technique effectifs* et des troupes dans 5 pays (570 hommes en Côte d'Ivoire, 3000 à Djibouti, 580 au Gabon, 1060 au Sénégal et 980 au Tchad). Si leur nombre sera ramené à 5600 d'ici 2002, c'est parce que l'armée française renforce en même temps ses capacités de "projection" rapide et a créé 10 écoles d'officiers à vocation régionale. Elle parraine également depuis 1997 l'intervention de supplétifs africains (Angola, Burkina, Gabon, Mali, Sénégal, Tchad, Togo) dans les conflits de Centrafrique, du Zaïre, du Congo-Brazzaville, du Libéria et de Guinée-Bissau. Depuis sa spécialisation, l'armée française souhaite moderniser son image en encadrant les "ingérences humanitaires" en Afrique. Elle fait alors sous-traiter les guerres locales par des détachements indigènes, sources de nouveaux contrats d'armement, d'entrainement et de sécurité. Ce qui réduit ses coûts tout en augmentant ses marges bénéficiaires. Un simple adjudant français touchait en 1997 une solde mensuelle nette de 41 439 FF, sans compter les primes et la montée en grade plus rapide en "outre-mer". De plus, l'armée se donne toujour carte blanche sur le continent noir en essayant de s'octroyer l'impunité totale sur ses exactions. Lors de la constitution en juillet 1998 de la Cour pénale internationale (destinée à sanctionner les crimes de guerre, de génocide ou contre l'humanité), l¹Etat-major français a fait imposer l'article 124 permettant aux pays qui le souhaiteraient d'être exonérés durant sept ans de toute incrimination pour crime de guerre...

Les sévices secrets

Traditionnellement chargés d'effectuer les basses besognes du régime, les services secrets ont tendance à se multiplier et à se libérer de plus en plus du cadre officiel pour s'adapter aux intérêts des différents réseaux. - Le plus important d'entre-eux est la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure depuis 1982, ex-SDECE). Cette branche militaire rend compte directement au président de la république, dispose de plus de 4000 agents et d'un budget d'au moins 1,5 milliard de francs. C'est elle qui chaperonne chaque chef d'Etat d'Afrique noire francophone par un de ses officiers, le "conseiller-présidence", et qui forme les gardes présidentielles locales. Son service Action (le 11e Choc) et ses CRAP (Commandos de recherche et d'action en profondeur) renforcent le potentiel incontrôlé du domaine réservé de l'Elysée, qui, entre autre, a permis à Mitterrand de mener sa guerre privée lors du génocide au Rwanda en 1994. - La DPSD (Direction de la protection et de la sécurité de la défense) a été créée par Mitterrand en 1981. Il s'agit du service le plus secret et le plus puissant de l'appareil d'Etat, composé d'environ 1600 gradés de l'infanterie de marine (l'ex-coloniale) et chargé du contrôle des trafics d'armes et du recrutement de mercenaires (notamment parmis des membres du Front National). Elle fut particulièrement active lors des guerres civiles au Congo-Brazzaville et au Zaïre en 1997. - La DRM (Direction du renseignement militaire) fondée par Pierre Joxe en 1992, comprend quelques 1600 spécialistes en technologies de pointe qui dépendent directement de l'Etat-major des armées. A travers le COS (Commandement des opérations spéciales), ce service se préoccupe avant tout de renseignements stratégiques et d'actions psychologiques pour soutenir les entreprises françaises dans leur chasse aux contrats. - La DST (Direction de la surveillance du territoire) est un vieux service de police remanié en 1944 et destiné ordinairement au contre espionnage sur le sol français. Mais, depuis les passages de Pasqua au ministère de l'intérieur (en 1986-1988 et 1993-1995), une partie de ses 1500 inspecteurs s'intéressent de plus en plus aux affaires africaines grâce à la "lutte contre le terrorisme", notamment en Algérie et au Soudan. Elle peut compter sur l'appui du SCTIP (Service de coopération technique internationale de police, chargé de former les flics africains), et plus ponctuellement, sur la police judiciaire et la police politique (les Renseignements généraux) pour la constitution de dossiers compromettants. La privatisation de l'horreur Les expéditions punitives sont désormais réservées aux commandos clandestins (13e Régiment de dragons parachutistes, 1er Régiment parachutistes d'infanterie de marine, 2e Régiment étranger de parachutistes...) et les guerrillas aux bandes de mercenaires. Leur utilisation par tous les gouvernements français remonte à l'intervention des "affreux" de Bob Denard dès 1960 au Katanga dans l'ex-Congo Belge. D'abord auxilliaires des "guerres civiles" post-coloniales, ces tueurs à gages privés se sont progressivement organisés en de véritables multinationales qui vendent leurs "services de sécurité" aussi bien pour la protection d'installations pétrolières que pour certains gouvernements, qui souhaitent se déresponsabiliser des conséquences de "conflits de basse intensité". Ce qui transforme l'enjeu politique de la paix civile en enjeu commercial, ouvert à la concurrence. Ces "opérations" sont cependant guidées directement par les Etats, notamment par la France grâce à la DPSD, qui a recruté une centaine de criminels de guerre Serbes (15 000 FF par mois... pour leur expérience de l'armement soviétique) afin de soutenir jusqu'au bout Mobutu au Zaïre en 1997. Les sociétés de mercenaires prospèrent donc tranquillement en France, dont : - le Groupe 11 (transformé en International Logistic Security), dirigé par Nicolas Courcelle (frère de Bernard, officier de la DPSD et chef du service de sécurité du FN, le DPS), ancien légionnaire parachutiste et responsable départemental du FN Jeunesse. - Eric SA, fondée par Jean-Louis Chanas, ex-officier de gendarmerie et ex- responsable du service Action de la DGSE, qui recrute parmi d'anciens légionnaires et parachutistes. - SECRETS (Société d'études, de conception et de réalisation d'équipements techniques) créée par Paul Barril, ancien capitaine de gendarmerie de la "cellule antiterroriste" de l'Elysées, proche de Mitterrand et de Pasqua, fortement impliqué dans le déclanchement du génocide au Rwanda. - Ambassy et Ambassy Conseil, gérés respectivement par Gilles Serreau et Gilles Soulas, pivot de la propagande néo-nazie en France à travers la société de diffusion SEDE et la librairie Aencre. - Octogone, mené par un ami de Pasqua, Henri Antona, et émanation de la société Tecni, sous-filiale de Vivendi (ex-Générale des Eaux). - Securance International, organisée par l'ex-n°2 des gendarmes de l'Elysées Robert Montoya, spécialiste des écoutes téléphoniques pour Mitterrand...

Pas de responsables ni de coupables

La plupart des administrations-clés (Elysée, Défense, Intérieur, Finances, Coopération, Affaires étrangères...) organise le pillage de l'Afrique. Leurs objectifs sont de garantir les ressources naturelles et énergétiques de l'Etat, d'entretenir les relais d'accès (armée, réseaux, multinationales...) et de dégager des sources de financement occultes pour perpétuer ce système. D'ou les innombrables exactions en Afrique et la corruption généralisée des élites. La mort de son initiateur, Jacques Foccart (l'ombre de de Gaulle) en 1997, n'a pas éliminé cette logique, bien au contraire. Les camps ne se divisent pas ici en droite/gauche, mais plutôt entre "souverainistes" (partisans de la superpuissance de la France) et "atlantistes" (partisans de l'OTAN, le pacte militaire occidental). Le réseau Foccart s'est différencié avec la modification atlantiste de Giscard en 1974, puis s'est diversifié avec les réseaux souverainistes de Mitterrand et son fils Jean-Christophe en 1981, de Pasqua et son fils Pierre-Philippe en 1986, pour se démultiplier ensuite selon les intérêts personnels : au PS avec Michel Charasse (à travers le budget de la coopération), Paul Quilès (défenseur de l'armée au Rwanda), Laurent Fabius (connaisseur des milieux pétroliers), Jean-Pierre Chevènement (admirateur des réseaux Pasqua), Michel Rocard (qui se veut le monsieur Afrique du parlement Européen) ; au RPR avec Chirac (héritier du foccartisme), Jacques Godfrain (émissaire auprès des dictateurs africains), Jacques Toubon (président du Club 89, l'école du foccartisme) ; à DL avec Alain Madelin (intéressé par l'Afrique australe) et à l'UDF avec Hervé de Charette (successeur du réseau Giscard). Mais parmi ces prédateurs de l'Afrique, celui qui maîtrise réellement ce "domaine réservé" reste le président de la république française. Chef de l'Etat, responsable des armées et de l'arme nucléaire, titulaire d'un des cinq sièges du Conseil de sécurité de l'ONU et grand patron de la "cellule africaine", ce dignitaire est pourtant irresponsable de ses actes politiques (sauf en cas de haute trahison), conformément à son immunité prévue par la constitution.

Les résistances se développent

Les résistances africaines sont nombreuses mais n'intéressent que rarement les médias officiels. Certains journalistes africains ménent un travail d'investigation local trop génant, comme le camerounais Pius Njawé du Messager, emprisonné fin décembre 1997 pour 2 ans après avoir relaté un malaise cardiaque du dictateur Biya ! D'autres, tel le burkinabé Norbert Zongo de L'Indépendant, fut éliminé dans un "accident de voiture" en décembre 1998. Le député tchadien Ngarléjy Yorongar ose rendre public la corruption organisée par Elf dans son pays : il est incarcéré en juin 1998 et libéré malade en février 1999, grâce à la pression internationale. Combats analogues pour l'avocat des victimes du régime, le djiboutien Aref Mohamed Aref (radié à vie en juillet 1999) ; l'écrivain camerounais Mongo Béti, initiateur en 1998 de la campagne internationale : "Pas de liberté, Pas de pétrole" ; l'opposant politique guinéen Alpha Condé, régulièrement arrêté à chaque élection, qui a bénéficié d'une mobilisation de comités de soutien dans toute l'Afrique de l'Ouest en 1998 (libéré) ; ou l'infirmière rwandaise Yolande Mukagasana, rescapée du génocide, qui entreprend de collecter et de publier des témoignages (Les blessures du silence) sur le pire des crimes, afin de délivrer la souffrance des victimes et la mémoire des bourreaux par la vérité. Les refus massifs s'expriment également et remportent des victoires. On se souvient de l'abolition de l'apartheid Sud Africain par l'ANC en 1994 et de la chute de Mobutu par l'action d'une coalition de pays d'Afrique australe en 1997. Au Niger, l'ex-putschiste Maïnassara, haït du peuple, est abattu en avril 1999 lors d'un putsch. Le président intérimaire, le commandant Wanké, n'a pas l'accord de Paris, qui gèle ses crédits. Wanké restaure quand même les libertés publiques, récupère pour le Budget 50 millions de francs chez les corrompus, ouvre des élections libres avec une nouvelle constitution où les militaires sont inéligibles, puis rentre dans sa caserne ! Action identique en Guinée-Bissau voisine, ravagée par des troupes franco-sénégalaise, sous prétexte de détruire les refuges des rebelles de Casamance pour s'emparer de ses réserves de pétrole... En mai 1999, le dictateur Vieira est exilé par le général Mané avec le soutien de la population et restitue les pouvoirs démocratiques aux civils. Cette même année, la pression populaire commencait à s'organiser au Burkina contre Compaoré, l'assassin de Sankara. L'Elysée parle désormais du syndrome Wanké... Côté occidental et français, de nombreuses ONG (Organisations non-gouvernementales) mènent diverses campagnes pour interdire le recrutement de mercenaires, limiter les ventes d'armes légères, taxer les paradis fiscaux, annuler le surendettement, dynamiser la Cour pénale internationale... Si ces actions peuvent adoucir certaines perversités, elles n'en suppriment pas pour autant les risques de normalisation : les mercenaires et les armes continueront toujours à se vendre clandestinement, l'argent sale se blanchira d'une manière ou d'une autre, l'annulation des dettes n'est souvent qu'une remise à zéro des compteurs et la justice demeure sélective... Ces mesures ont du moins le mérite de dénoncer des pratiques scandaleuses et d'augmenter les pressions contre une délinquance financière de plus en plus opaque (une enquête judiciaire prend 7 ans en moyenne pour remonter toutes les filières). La disparition du ministère de la coopération (ex-ministère des colonies), absorbé en février 1999 par le ministère des affaires étrangères, ne signifie pas la fin de "l'amitié franco-africaine" obligatoire. Malgré leur misère, les populations africaines commencent à s'émanciper dans l'indifférence générale. Tant que la logique du profit reste acceptée, l'exploitation et la répression du plus faible par le plus fort dominera, en Afrique ou ailleurs. Si les populations occidentales ne veulent pas être asservies progressivement par la marchandisation, elles devront aussi imposer la condamnation de tout colonialisme, individuel ou collectif, en dédommageant au moins les victimes sur le butin des responsables.

Téka *

accords d'assistance militaire technique franco-africains : Algérie, Bénin, Burkina, Burundi, Centrafrique, Cameroun, Comores, Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée, Guinée Equatoriale, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Niger, Sénégal, Seychelles, Tchad, Togo, Tunisie et Zaïre.

Sources : - François-Xavier Verschave, "La françafrique, le plus long scandale de la République", Stock, décembre 2000 - François-Xavier Verschave, "Noir silence", Les arènes, mars 2001 (le président de l'association Survie, François-Xavier Verschave, a été accusé de diffamation sur ses livres par les dictateurs du Congo-Brazzaville, du Gabon et du Tchad. Ces derniers ont été débouté de leurs plaintes par la justice française le 25 avril 2001) - Alternatives économiques, mars 2001 - Le Monde Diplomatique, avril 2001


 

La dévaluation du franc CFA ou l'annexion commerciale Instauré en 1960

Le franc CFA est rattaché au franc français par une parité fixe (1 FF = 100 FCFA) gérée par le Trésor public, qui administre obligatoirement 65% des réserves en devises des 14 pays de la zone CFA. Si l'absence de réglementation du change encourage quotidiennement différents trafics, la dévaluation de 50% du franc CFA en janvier 1994 a permis une gigantesque fraude légalisée sur la zone. Tout d'abord par la fuite des capitaux CFA des élites locales (5 milliards de francs au premier trimestre 1993) et par la spéculation (exemple : une entreprise française achète à crédit un bien privatisable pour 10 milliards FCFA. Elle convertie son emprunt par 100 millions FF, qui sont transformés, après dévaluation, en 15 milliards FCFA !). De nombreux secteurs rentables de l'économie africaine ont ainsi été accaparés, comme les transports et les tabacs du Sénégal par le groupe Bolloré... Que va devenir le franc CFA aprés la transformation en 2002 du franc en euro ? Il serait surprenant que l'Etat français ne préserve ce moyen hégémonique sur toute une partie de l'Afrique... Quant aux pays de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), ils ont prévu depuis janvier 2000 de devenir coresponsables de leur argent en créant une monnaie commune d'ici 2004.


 

Comment calculer le taux de corruption ?

Etabli depuis 1991 par le PNUD (Programme des Nations unis pour le développement), l¹Indicateur du développement humain par habitant (IDH) intègre l¹effort d¹éducation et l¹espérance de vie en plus de la production (PIB ou répartition des richesses). Ce qui permet de percevoir si les ressources produites contribuent au bien-être des populations ou des élites... Le rapport entre PIB et IDH pour 15 pays d¹Afrique francophone est alors impressionnant ! Si l¹on y compare l¹aide française moyenne par habitant de 1992 à 1997 avec le montant par habitant des exportations, le taux de corrélation (niveau de dépendance entre ces deux phénomènes) est de 81%. La France aide d¹autant plus un pays qu¹il est riche en matières premières... Si l¹on compare ensuite, pays par pays, l¹aide française par habitant à l¹efficacité de la politique globale de santé et d¹éducation, la corrélation est négative à 53% ! En perpétuant le mythe du développement, l¹aide publique française dissimule une entreprise d¹uniformisation culturelle et de guerre économique. La françafric révèle cependant une partie de son taux de corruption (plus un pays est aidé, plus il est volé) et de violence (les dictatures et les multinationales se nourissent de la corruption). Tête de liste du PIB, le Gabon mesuré par l¹IDH recule ainsi de 71 places, ce qui fait réagir son PDG Omar Bongo en 1995 par le projet de créer pour la fancophonie son propre indice de développement... des affaires. La technique de la "démocratie apaisée" Issue de la "démocratisation" conseillée lors du sommet franco-africain de La Baule en 1990, cette dernière trouvaille de la francophonie est appliquée depuis 1997 au Cameroun, Togo, Gabon, Guinée, Djibouti. La stratégie de la "démocratie apaisée" consiste à prendre l'opposition politique africaine en otage par un jeu institutionnel manipulé par des "spécialistes" français. Les campagnes électorales de dictateurs sont médiatisées par des publicitaires (comme Jacques Séguéla, le faiseur d'image de Mitterrand, au Togo et au Cameroun). Des magistrats et des universitaires partent en vacances gratos pour officiellement "observer" des scrutins truqués qu'ils cautionnent, ou pour rédiger des constitutions qui réservent l'essentiel du pouvoir au président (tel l'avocat Jacques Vergès au Gabon). Si l'opposition refuse la tricherie, elle est qualifiée d'anti-démocratique, voire de terroriste en cas de contestation aggravée. Sinon, elle s'incorpore en douceur dans une bureaucratie subalterne. L'opposition n'a alors comme choix politique que la répression ou la collaboration. Mais comme l'affirme Jacques Chirac dans le Canard enchaîné du 28/07/1999 : "Il faut bien que les dictateurs gagnent les élections, sinon ils n'en feront plus !"


 

L'aide au surendettement

L'Etat français a élaboré un système sophistiqué de corruption en Afrique fondé sur l'Aide publique au développement (APD). Sur 36 milliards de francs en 1997 (soit 0,44% du PIB), à peine 2 ou 3% de cette APD sert à lutter contre la pauvreté ! Effectivement, entre 1989 et 1998, la France a tiré de l'Afrique 190 milliards de francs de bénéfices, alors qu'elle ne lui a apporté, y compris les annulations de dettes, que 140 milliards de francs d'aide... N'étant "contrôlée" par la Cour des comptes que depuis 1996, deux conditions restent essentielles à son détournement : la convertibilité du franc CFA et les paradis fiscaux. D'où son exercice exclusif dans la "zone CFA" (Communauté financière africaine concernant 14 pays francophones*), à travers 4 procédés : - la coopération culturelle, scientifique et technique de conseillers et chercheurs en tout genre chargés d¹occidentaliser les pays du Sud, est actuellement en voie de réduction par sa concurrence avec les nombreux diplômés africains au chômage (le nombre de coopérants est passé ainsi de 25 000 en 1970 à 2000 trente ans après). - les aides hors projet (à l'ajustement structurel, à la balance des paiements...) sont des soutiens d'urgence du gouvernement français au régime d'un chef d'Etat africain. Les CFA fournis sont immédiatement convertis en francs et partagés entre les deux parties sur des comptes numérotés à l'étranger. Pour ne citer que le cas du Togo, l'aide cumulée d'une trentaine de milliards de francs jusqu'en 1985 transitait par la société Fertilizer Corporation à Panama, avec des escales en Suisse (sur 47 comptes bancaires) et à Paris, au siège de l'Office des phosphates togolais. - les aides-projets sous forme de grands contrats de fournitures ou d'équipements rassemblent l'Etat français, un Etat africain et une multinationale. Ces aides-projets ne font l'objet ni de mise en concurrence, ni d'étude d'impact, encore moins de l'équivalent d'une enquête d'utilité publique. D'où les projets ruineux, inadaptés, inachevés ou délabrés faute de capacité de maintenance (comme l'université Bouygues de Yamoussoukro, la cimenterie de l'Ouest africain de Lomé, la raffinerie du Togo...). Mais les commissions accordées aux responsables sont fabuleuses. Souvent, les surfacturations en doublent le coût. Parfois, le projet est "complété" quatre ou cinq fois. Ou encore, il est fictif et le bénéfice est alors de 100%. Grâce à Pasqua depuis 1993, les armes et les équipements policiers peuvent bénéficier du Fond d'aide et de coopération, et sont donc comptés en APD ! Généralement, l'aide prend la forme d'un prêt "bonifié", sorte de contrat de pré-vente avec réduction d'intêrets et différé de remboursement. Tous ces contrats bénéficient de la garantie de la Coface (Compagnie française d'assurance du commerce extérieur). Ses opérations avec les pays "à risque" sont elles-mêmes garanties par l'Etat français. Ce sont donc les contribuables qui ont épongé les naufrages financiers des multinationales françaises en Afrique, à hauteur de 172 milliards de 1981 à 1994 ! Et ces multinationales se remboursent en plus sur les rentes du client : le Congo-Brazzaville a ainsi prévendu son pétrole jusqu'en 2001 à Elf et un pays aussi potentiellement riche que la Côte-d'Ivoire est étranglé par une dette extérieure égale à deux ans de travail de toute sa population (2 fois son PIB). - le traitement de la dette décidé à Paris consiste en des rééchelonnements ou des annulations partielles, calculés également en APD. Le ministère des finances compense alors les échéances annulées des Etats endettés sur le montant de leurs aides programmées, qui ne seront pas données. Cela jusqu'en 2018 au moins et à raison de plusieurs milliards de francs par an (6 milliards en 1996). Ces "allègements" sont l'occasion de multiples malversations : on rachète pour presque rien une créance sur un débiteur pas ou peu solvable, et subitement cette créance reprend de la valeur grâce à une opération d'apurement décidée au Club de Paris ou au Club de Londres (les consortiums de créanciers publics ou privés). Ou bien une remise ponctuelle est accordée par Paris à un pays africain, à condition de servir au règlement immédiat d'un créancier français privé. Une autre pratique courante est de transformer la dette en participations dans les services publics africains privatisables (eau, électricité, téléphone...). L'Etat africain peut également jouer de son insolvabilité, qui n'est jamais totale puisqu'on lui accorde régulièrement des rallonges financières : il rembourse qui il veut, quand il veut, moyennant chaque fois un bakchich. * zone CFA : Bénin, Burkina, Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Côte-d'Ivoire, Gabon, Guinée Equatoriale, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo.

 

La France et le Rwanda :
pour un examen de conscience citoyen

La France "havre de quiétude"

pour des responsables du génocide rwandais ?