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INTERVIEW DU MIB (Mouvement de l'Immigration et des Banlieues)

Qu'est-ce que le MIB, ses objectifs et son fonctionnement ?

Tout a commencé en France en 1983 aprés la mort de Toufik et la marche de convergence des Beurs. Le MIB est un mouvement qui a été créé par des gens qui ont vécu la double peine (prison + expulsion) et depuis 1991, nous combattons les violences policières. C'est vrai qu'en France, il existe des associations comme SOS Racisme ou le MRAP qui sont financées par le PS. Nous on a aucune étiquette politique et quand on a, comme en ce moment le PS au pouvoir avec des bavures présentées comme des accidents, nous on accepte pas ça. Quand la droite est aux affaires, c'est pareil pour nous... Nous disposons au MIB de listes de plusieurs centaines de jeunes assassinés depuis les années 70, officiellement des accidents. Comment on fait quand on est reçu par des politiques de toutes tendances pour leur expliquer le problème, et que rien ne change ? Nos revendications passent par une volonté politique. On ne compte plus les gamins abattus par la police ou tabassés etc... Il faut donc se défendre. Aujourd'hui, il faut s'organiser de manière collective et sur un rapport de force clair. Le MIB, c'est ça. Il rassemble plein de gens de différentes cités dont la plupart ont perdu des proches, organisés en comités de justice pour mettre nos forces en commun afin d'imposer nos revendications partout où il y a un drame. On veut que tous les dossiers des gamins qui ont été abattus soient réouverts et que les meurtriers soient jugés. On veut aussi la justice sociale, économique et le respect. Mais on ne peut pas dire qu'il y ait réciprocité. Nos grands frères qui ont 30, 40, 50 ans et qui ont milité avant nous ont toujours protesté contre les violences policières, et ça continue. Ni la droite, ni la gauche, ni aucun gouvernement fait en sorte d'arréter cette situation. Nous travaillons ainsi sur tous les dossiers de jeunes assassinés par la police et nous sommes venus à Toulouse pour donner un coup de main. Nous avons un siège à Nation (Paris), des bureaux à Nimes, à Lyon et dans d'autres banlieues. On a un journal qui s'appelle l'Echo des Cités et une émission radio à Fréquence Paris Pluriel. On dispose d'un minimum de moyens de communication, mais on a pas 1 franc de l'Etat. Les seules aides que nous recevons, c'est celles d'artistes comme IAM et surtout Assassin (grâce à un CD &laqno;llmn3O contre le racisme»). C'est grâce à ça qu'on arrive à agir un minimum. On a très peu de moyens car on est tous au chômage, c'est la précarité totale pour bouffer, se déplacer, puisqu'on est tous bénévoles.

Les violences policières seraient-elles causées par un manque de formation ?

Chevènement disait en 1997 qu'il allait mettre en place dans les postes de police des médiateurs pour que la police fasse bien son travail, et les bavures se poursuivent toujours... En novembre 1998, un autre jeune est décédé à Lyon, mais les médias et l'opinion publique n'en parlent pas. De toute manière, dès que l'émeute sera terminée, les flics seront relâchés, puisqu'ils restent impunis en général. Il y a de plus en plus de juges qui dénoncent les méthodes de la police, mais les plaintes vont nulle part. C'est grave! Normalement la police, on devrait la respecter parce qu'on en a besoin. Mais quand elle devient dangereuse pour toi, c'est plus possible. Moi, j'ai plus peur des flics que d'un facho ou que d'une bande. Ce sont des assassins qui flinguent des mineurs. La France donne des leçons aux autres pays avec sa déclaration des Droits de l'Homme, mais elle ne se regarde jamais. La population musulmane vit tous les jours des agressions à cause de l'amalgame avec le terrorisme islamique. Les gamins ne croient plus en rien maintenant car ils n'ont confiance en personne. Et nos pays d'origine s'en foutent, on a plus de pays, personne s'occupe de nous à part nous. On est comme les palestiniens, sans territoires, sans rien. C'est pour quoi on s'identifie à eux.

Que pensez-vous de la situation toulousaine ?

Ce que l'on constate actuellement à Toulouse, c'est ce que l'on voit partout depuis des années. Notre message aux gamins, c'est de ne pas se faire avoir par des mouvements financés par des partis politiques qui sont au gouvernement aujourd'hui et qui ne font rien pour changer la situation dans les quartiers. A Damary les Lys en 1997 par exemple, SOS Racisme est allé raconter à la presse qu'on était un mouvement radical chargé de monter la tête aux gamins pour tout casser dans les cités !. Mais on est pas là pour ça, car les gamins font ce qu'ils veulent. On souhaite les prévenir et apporter notre soutien, financier grâce à un concert, ou juridique par la mise à disposition d'un avocat. Nous ont est prêts à nous déplacer tous les jours à Toulouse s'il le faut. Aujourd'hui ça s'est passé ici, demain ça se passera ailleurs. L'objectif, c'est de créer un vrai rapport de force contre la police.

Quel est votre avis sur l'infiltration du FN dans la police ?

En ce qui concerne l'influence du FN sur la police, s'il y a des syndicats de policiers qui ont été dissous, c'est vrai qu'à l'heure actuelle il y a beaucoup de flics qui appartiennent au FN, en particulier à Mantes la Jolie jusqu'à 61%). Dans cette même ville, lors d'émeutes en 1991, le ler ministre de l'époque Edith Cresson à voulu intervenir, mais la police l'en a empêchée... L'histoire, c'est rebellotte. Un gamin de 14 ans avait volé une voiture, une jeune femme flic se met au milieu de la rue et le gamin l'écrase. L'expertise démontre que le gamin n'a pas pu éviter la femme flic et donc le gamin prend 14 ans de prison ! Puis, peu aprés &laqno;l'accident», un jeune est abattu sur les lieux et quelques jours après, un jeune de 17 ans, asthmatique, est embarqué par la police pour être tabassé au poste malgré l'interposition (rarissime) de quelques CRS. Mais le gamin meurt en cellule. En 1996 à Poissy (Yvelines), 3 jeunes sont arrêtés arbitrairement sans l'avis du juge d'instruction. On les retrouvera morts &laqno;accidentellement' brûlés vifs dans leur cachot sans l'intervention des matons. Ces affaires se sont terminées par des non-lieux, c'est à dire par des permis de tuer. On ne veut pas entendre parler de la mauvaise formation des flics avancée comme excuse par les politiques. Si on reprend les journaux 20 ans en arrière, c'est les mêmes scénarios. Ils ont eu largement le temps de former les flics. Tous les jours on tabasse des gamins, on contrôle au faciés non-stop, on nous méprise, les flics tabassent même les filles, c'est nouveau!. C'est grave, maintenant il faut qu'on se défende.

L' intervention des grands frères serait-elle une solution pour les quartiers ?

Le coup de l'encadrement par les grands frères, les jeunes du quartier qui deviennent animateur, c'est de la connerie, c'est trop facile, ça veut dire occupez vous de vos merdes tout seul. Il faut des gens compétents sur les quartiers. On n'a pas besoin d'occupation, mais de pédagogie. C'est en fait la politique du PS dans les cités qui achète des Beurs en leur payant des petites formations. Bientôt, on va passer nos vacances dans les quartiers !

Quel est le rôle des médias selon vous dans les banlieues ?

Chaque fois qu'il y a des débats sur la banlieue à la télévision, on va chercher 2 petits gamins qui n'ont aucune tchatche et qui vont avoir un mauvais vocabulaire. Dès qu'il y a un mec qui a des arguments et des exemples vécus, les journalistes n'en veulent pas. C'est de la manipulation... Malheureusement, ces pauvres gamins, on les a fabriqués comme ça dans des ghettos de merde. N'importe quel bourgeois implanté là-dedans deviendrait comme eux. Mais il ne faut pas exagérer. De plus en plus de gosses des quartiers arrivent à s'en sortir. Mais il y a des postes stratégiques (magistrature par exemple) où l'on ne veut pas de nous. Parce qu'on est complètement censuré par les médias français on passe notre temps à faire des interviews à l' étranger, mais en France, on veut nous casser car tout est déformé, et on a pas accès à la télé. A Toulouse, tout ce qui ressort aujourd'hui, c'est l'émeute, les violences, ces situations où les jeunes essaient de s'exprimer parce qu'il n'y a pas les mots, la manière de dire les choses et les médias utilisent ces paroles comme quelque chose qui se retourne contre eux. On n'est pas d'accord avec eux. Toute l'annèe on demande de venir aux médias pour qu'ils parlent des réalités des quartiers. A Sartrouville (Yvelines), avec l'expérience on s'organise autrement. Et dans le Sud on doit réagir très vite. Quand on entend: &laqno;on veut du boulot, pas une balle dans le dos», c'est clair !

Et celui des travailleurs sociaux ?

Quand on est d'origine africaine, on a quatre fois moins de chance de trouver un boulot. Il n'y a aucune structure, aucune institution qui répond à leurs problèmes. Quand on voit des travailleurs sociaux qui ferrnent leur bureau à 18 heures ou qui s'enferment après une agression, c'est pas normal. Ils ne font pas du tout leur travail. Soit on a un super professionnel qui est complètement paumé, soit on a un jeune qui n'arrive pas toujours à assurer. De plus, ils mettent que des mecs, les équipes ne sont plus mixtes, encore moins diversifiées ethniquement. Nous, on leur crache dessus ! Les travailleurs sociaux ne touchent plus les gens qui ont des problèmes. Ils ne servent à rien... Depuis 1989, on a vu pleins de dispositifs bidons sur les cités -. DSQ, DSU, contrat de ville, emplois jeunes etc... qui créent des emplois pour certains sur le dos de la misère de tous les autres. Il faut agir avec les habitants, notamment dans l'urbanisme. Les petites associations de quartier sont laissées de coté alors que les institutionnels s'engraissent... Il ne faut pas croire que les quartiers seront rasés, les habitants ont leur mot à dire dans le développement urbain. Mais on ne fait que repeindre les barreaux. Les jeunes ont compris qu'on veut les occuper par du sport, de la culture, et jamais en discutant de revenus ou de justice. Chaque fois qu'il y a une émeute, on trouve un sportif Beur pour récupérer les mômes, comme le Téléthon des banlieues... OK, c'est légitime pour les enfants de bénéficier d'animations. Mais arrivé à un certain âge, il leur faut des choses concrètes.

Alors, responsabilités individuelles ou collectives ?

Tout le monde démissionne : quand on voit un gamin qui agresse une dame dans le métro et que sur les 50 personnes du wagon, personne ne bouge, c'est l'abandon des adultes. On souhaite vraiment dans les cités que tout le monde se prenne en charge. C'est par la solidarité que l'on s'en sortira, et non pas avec les institutions. Car la gauche au pouvoir a trahi les immigrés. Les seules personnes qui ont dénoncé la BAC (Brigade Anti-Criminalité), ce sont des députés de droite... C'est presque un appel à la guerre

Les cités seraient-elles victimes du racisme et du fascime ?

La cause n'est pas le fascisme puisque le FN n'est pas encore au pouvoir. On nous dit souvent que les violences des banlieues participent à la montée du fascisme et du racisme. C'est du bidon, car la gauche gouverne actuellement et le racisme augmente. La double peine, c'est bien de la discrimination. L'émeute n'est pas une solution, car les pauvres gamins vont cramer dans leurs propres cités. S'ils avaient compris un minimum de trucs, ils iraient cramer les choses qui appartiennent à l'Etat où le centre ville où il y a du fric par exemple... Tout brûler n'empèchera pas que dans une semaine un autre gamin se fasse buter. Notre rêve, c'est que tout le monde se rassemble pour faire pression. Le 9 janvier 1999, le MIB est allé manifester dans plusieurs tribunaux de France. J'aimerais bien qu'un jour, on aille investir pacifiquement les tribunaux de police pour demander des explications sur ce qui se passe, car ils ne font pas leur boulot : quand un flic t'insulte de sale bicot et qu'il te tabasse, pour moi, c'est pas un flic ! On a plus à les respecter. Je souhaiterai que les médias parlent du problème de la police française.

Quelles alternatives envisagez-vous ?

Cette après-midi, durant la manif en hommage à Habib, je discutais avec des commerçants qui me disaient que vous brûlez tout etc. Je leur ai démontré que c'était pas la première fois que des gamins se faisaient buter, et à mon étonnement, ils comprenaient un minimum. Pourtant, c'était des gens hyper beaufs, friqués, blindés etc... Notre grand problème, c'est la justice et les médias qui ne pensent qu'à nous salir et à pourrir notre image. Ce genre de manif avec la population des quartiers s'est déjà réalisée ailleurs. Nous, on sait que la contestation ne peut réussir qu'à travers une organisation politique en lien avec toutes les banlieues. Moi, étant à Nimes, je suis concerné par Toulouse pour être proche des gens, garder le contact, soutenir les familles. Cette solidarité est importante. C'est pourquoi ils essayent de la casse pour qu'on se batte entre nous... Les gamins, on les pardonne, parce que le systéme les a fabriqués comme ils sont maintenant. Dans les quartiers il faut casser les ghettos, arréter de concentrer les mêmes couches sociales dans les mêmes zones, les mêmes ZEP, les mêmes boulots de merde. A Paris, les nouveaux immigrés viennent des pays de l'Est. C'est la grosse misère pour eux, bien pire que nous... Il ne peuvent pas se défendre, ils ne parlent pas français, ils ne sont pas nés ici etc. Est-ce que ça sert de tout casser dans les cités ou pas ? Oui malheureusement. car les médias en parlent et les politiques aussi. Un été on a organisé un festival dans un quartier. Le soir les CRS on chargé alors que tout se déroulait trés bien. On a décidé au MIB d'aller jusqu'au bout, et on a gagné le procès la semaine derniére. Il ne faut pas hésiter à porter plainte auprés du procureur de la république en recommandé. On a gagné aussi contre la maire RPR, reconnu coupable avec 15 000 Francs d'indemnisation. Il faut se battre sans se faire récupérer. Organisons des opérations ensemble. Notre défense c'est avant tout de nous rencontrer. On a un projet : &laqno;la caravane». On va tourner sur différentes grandes villes en informant les gens sur ce qui se passe.»

Interview réalisée par l'émission "Pustules ô sucre" de radio Canal Sud
(chaque mercredi de 20h à 2lh3O sur les 92.2.
Extraits retranscrits par Téka
 
Contacts :
Mouvement de l'immigration
et des Banlieues, 46 rue de Montreuil, 75011 Paris (métro Nation).
Tél : 01.43.72.75.85

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